Fdesouche

Etalon noir, Chinois raffiné… un imaginaire raciste qui raconte, selon la chroniqueuse de « La Matinale » Maïa Mazaurette, la tragique absence de culture sexuelle européenne.

A l’époque où j’ai grandi, l’érotisation des corps « exotiques » ne se questionnait même pas : j’avais le choix entre le sensuel Amant chinois de Duras, les lycéens japonais des mangas, les beaux Indiens des westerns, la musique de Prince, les pectoraux de Sayid dans « Lost », les mots troublants de Césaire au programme du bac : « Et ce ne sont pas seulement les bouches qui chantent, mais les mains, mais les pieds, mais les fesses, mais les sexes, et la créature tout entière qui se liquéfie en sons, voix et rythme »

Les Blancs non seulement clamaient leur attirance pour les non-Blancs, mais souhaitaient les épingler à leur tableau de chasse sexuel (une fascinante version humaine du safari). Il fallait avoir « essayé » un Noir comme on essaierait un chemisier ou la tarte flambée. L’angélisme des générations antérieures, passées parfois par les colonies, était encore plus flagrant (« ces gens sont formidables »). Indifférents à leur propre couleur, les Occidentaux réduisaient ces partenaires sexuels à leur peau… et demandaient, en plus, qu’on leur donne des médailles du mérite. Etre antiraciste, c’était ça. (…)

Cet imaginaire raciste renvoie à une tragique absence de culture sexuelle européenne : sous les stéréotypes, le roi est nu. Car du côté de l’héritage érotique occidental… ce n’est pas exactement Byzance. Les compétences « de souche » se réduisent de prime abord au missionnaire, au tout-pornographique et à la honte. La grande invention restera la ceinture de chasteté (bon, d’accord, et le vibrateur).

Cette admiration pour les corps et sexualités « exotiques » enferme en outre les Blancs dans le rôle de novices impuissants, d’amants essentiellement incapables, attendant d’être initiés par un sombre inconnu. Quitte à se délester de tout sens de l’initiative. Quitte à créer une nouvelle charge pour les racisés : celle d’alimenter les fantasmes et la formation sexuelle de la classe dominante (sans oublier de remercier les Blancs de leur généreux intérêt). Cette déresponsabilisation est une lâcheté et une paresse : rien n’empêche aux Occidentaux d’apprendre par eux-mêmes de nouvelles formes d’érotisme et de nouvelles pratiques.

Fdesouche sur les réseaux sociaux