Article de Laurent Joffrin sur le livre d’Eric Zemmour, «Destin français», intitulé «Charles Zemmour et Eric Maurras». Eric Zemmour y est qualifié de «polémiste favori de l’extrême droite».
Cette fois la pensée de droite a franchi la ligne rouge. On le pressentait depuis que l’obsession de l’identité – que certains, hélas, encouragent à l’extrême gauche – a conduit au procès oblique de «l’idéologie des droits humains». Avec Zemmour c’est chose faite. Son Destin Français, dernier opus du publiciste favori de l’extrême droite, ne livre qu’un seul message : les libertés publiques sont désormais un obstacle au salut de la nation. Une phrase résume le livre (p. 191) : «Ignorant les leçons du passé et oubliant les vertus de son histoire, la France saborde son état au nom des droits de l’homme et l’unité de son peuple au nom de l’universalisme.» La liberté : voilà l’ennemie.
Pour Zemmour, l’histoire de France commence avec Clovis. Choix significatif. Bien sûr, le roi franc a étendu par la guerre son petit fief de Belgique à un territoire qui évoque l’actuel hexagone, il a choisi Paris pour capitale et, surtout, il s’est converti au christianisme. Pour le reste, le choix est arbitraire : Clovis n’a rien de français (il s’appelle Chlodowig et parle une langue à consonance germanique) et n’a aucunement l’idée d’un pays qui pourrait s’appeler la France. […]
Tout est à l’avenant : on met en scène un peuple catholique par nature patriote, opposé à des élites cosmopolites. Jeanne d’Arc mobilise le camp armagnac, plus conservateur, contre les Bourguignons alliés aux Anglais, pourtant tout aussi «français» que leurs adversaires. Louis XIII et Richelieu ont cent fois raison de réprimer les protestants, accusés de séparatisme. […]
Bref, Zemmour ressuscite la vieille histoire maurrassienne, autoritaire, traditionaliste et antisémite, se contentant de remplacer la haine des Juifs par la dénonciation de l’islam. Le livre s’appelle Destin français. Il y avait un meilleur titre : «Action française».