Nora Bussigny est étudiante en lettres et a passé un an comme surveillante dans un collège de banlieue, dans une zone classée «réseau d’éducation prioritaire» (REP). Confrontée à la violence des élèves de cet établissement difficile, elle a choisi de raconter son quotidien, d’abord sous forme de chroniques publiées par Le Point, puis dans un livre témoignage: “Survaillante, journal d’une pionne de banlieue” (éd. Favre, 2018).
On est aussi trop indulgents envers les élèves quand ils dépassent les bornes. Je prends un exemple: le jour de l’examen du brevet, nous avions pour consigne d’autoriser des retards de deux heures. Quel employeur acceptera d’embaucher des jeunes à qui on n’a même pas inculqué le respect des horaires? C’est cette autorité-là qui manque à ces élèves, et qu’ils trouvent dans la religion musulmane qui comporte beaucoup de prescriptions.
[…]Le rap en tant qu’art peut être effectivement à double tranchant s’il n’est pas pris avec le recul nécessaire. Je ne peux nier que beaucoup de textes de rappeurs permettent aux élèves de mettre des mots sur leurs maux, les enrichissant souvent d’un vocabulaire qu’ils se refusent à découvrir dans les livres que l’on essaye de leur faire lire.
On voit plusieurs fois, en filigrane, revenir la question du communautarisme musulman dans l’expérience que vous avez vécue. C’est quelque chose qui est omniprésent dans la réalité d’un collège de REP? Quels problèmes cela pose-t-il au quotidien dans la vie scolaire?
Le terme omniprésent n’est pas forcément adéquat, ou peut-être que je ne suis pas à même par mon regard de jeune surveillante qui n’a côtoyé que quelques établissements de le constater de façon aussi criante. Je peux néanmoins dire que la laïcité est souvent malmenée dans les collèges et les lycées puisque, quelle que soit la croyance d’un élève (comme je l’ai écrit récemment dans la Revue des Deux Mondes), tous sont unanimes sur le fait que «les filles sages portent le voile». Mais je crois qu’il faut arrêter de voir le problème des collèges et lycées classés REP sous l’angle religieux. J’ai fait la même erreur et j’avais la même analyse sur le sujet. En fait, selon moi, cela relève davantage d’un problème à la fois politique et culturel plutôt que cultuel. Je ne nie pas l’importance de la religion musulmane dans la vie de ces adolescents mais elle représente davantage un signe d’appartenance culturelle, d’une reconnaissance (c’est-à-dire comme lien) qu’ils ne trouvent pas, à tort ou à raison, dans la société. Les politiques sont hautement responsables de cette situation. […]
J’ai surtout observé chez les étudiants en Master d’enseignement un véritable choc quand ils se retrouvaient néo-titulaires en banlieue, n’étant absolument pas préparés à la difficulté qui les attendait. Je les comparerais selon moi, ainsi que je l’ai évoqué dans mon livre, aux jeunes pompiers qu’on envoie éteindre les plus gros incendies. […]