Face aux protestations de l’ONU et des États-Unis, la Chine essaie de contre-attaquer par une campagne de propagande un peu caricaturale.
Celle-ci veut démontrer que les musulmans ouïgours sont heureux au Xinjiang et ne souffrent d’aucune discrimination.
Des jeunes femmes ouïgoures jouent au ping-pong, les spectatrices applaudissent et chantent. Dans une salle de classe, des adultes récitent leur leçon avec une institutrice bienveillante. Dans un atelier, d’autres apprennent le tissage.
À en croire les images de la télévision chinoise, diffusées en Chine et sur tous les réseaux sociaux du monde, ce « centre de formation professionnelle » qui accueille des musulmans ouïgours dans la province du Xinjiang au nord-ouest de la Chine, ressemble à un lycée moderne où on peut apprendre un métier, le chinois, des danses folkloriques et faire du sport. Cette présentation idyllique d’un Xinjiang « pays du bonheur » reste toutefois en totale contradiction avec les dernières informations révélées, cette semaine, par l’Agence France-Presse (AFP) et la BBC, sur la réalité des camps de rééducation où près d’un million de ouïgours sont contraints d’y passer des semaines ou des mois.
Dans son enquête qui a duré près de trois mois, le journaliste Ben Dooley révèle que dans ce centre filmé par la télévision chinoise, dans la ville de Hotan, l’administration a passé commande en début d’année d’un arsenal qui n’a, a priori, pas grand-chose à voir avec l’éducation : 2 768 matraques, 1 367 paires de menottes et 2 792 pulvérisateurs de gaz poivre. Cette liste figure parmi les milliers de commandes passées au Xinjiang par les autorités locales, chargées depuis deux ans de mettre en place un réseau de « centres de formation professionnelle », en réponse à la montée de l’islamisme et du séparatisme dans cette région à majorité musulmane, située à plus de 2000 kilomètres, à l’ouest de Pékin. Il semble que ce centre ne ressemble pas vraiment à un camp de vacances comme voudraient le faire croire les autorités. […]
« La situation que vous décrivez correspond-elle à la réalité ? J’en doute fortement » a répondu à l’AFP la porte-parole du gouvernement chinois Hua Chunying, mercredi 24 octobre. Alors que des directives très claires exhumées par l’agence de presse précisent que les « étudiants » devront subir régulièrement des tests de chinois et de politique et rédiger des autocritiques. Ils passeront leur journée « à crier des slogans, chanter des chants révolutionnaires et apprendre par cœur le Classique des trois caractères », (un texte d’enseignement confucéen), rappelant les pires slogans de la révolution culturelle en Chine (1966-1976).
Pour de nombreuses ONG internationales, comme Amnesty International ou Human Rights Watch (HRW), il est clair que la Chine est en train de commettre un ethnocide en détruisant un peuple et sa culture. Pour Pékin il s’agit « d’éduquer » un peuple afin de le siniser, mais surtout d’extirper sa religion musulmane, source de terrorisme et de séparatisme. C’est ce que le représentant chinois défendra devant la Commission des droits de l’homme de l’ONU, le 6 novembre. […]