ANALYSE – Comment le candidat honni par la gauche a-t-il pu gagner l’élection présidentielle au Brésil ? L’écrivain Sébastien Lapaque, fin connaisseur du pays, où ses livres sont traduits, est actuellement sur place. Il analyse les clefs d’une victoire.
(…) Sans argent, sans temps d’antenne, sans grand parti politique derrière lui, l’ancien capitaine d’artillerie à l’humour parfois douteux a attaqué à front renversé une gauche libérale sur le plan des mœurs et étatiste sur le plan économique avec une proposition libérale sur le plan économique et traditionnelle sur la morale commune. Il a aussi promis de mener la guerre aux narcotrafiquants.
(…) La revendication de l’ordre, de la coutume et du commun exaspère la gauche postmoderne qui crie au racisme, à l’homophobie et au machisme.
Au Brésil comme partout ailleurs, ces gens font les avantageux, persuadés qu’il leur suffit d’avoir dénoué tous les liens de naissance pour échapper à la sujétion. Ils affectent de ne pas aimer ce qu’aiment les autres, d’aimer autrement que les autres ; ils prétendent croire ce que personne n’ose croire et rejeter ce que tout le monde croit ; ils détricotent le monde selon leur caprice, déconstruisent la vie et se bricolent des idéologies à leur mode, pour eux seuls, satisfaits de suivre en aveugles toutes les chimères en accordant l’avantage à ce qui sépare.
Dimanche dernier, au terme d’une campagne électorale atroce sur les réseaux sociaux, dans un pays blessé, profondément divisé, « l’homme cordial » brésilien (expression désignant le primat des sentiments et des émotions qui caractériseraient le caractère national) a dit stop.