Réfugiés syriens : les faux permis voyagent aussi.
Tribunal correctionnel de Blois
Un foulard noué sur ses cheveux, des baskets rose fluo aux pieds, Nazlia, 25 ans, raconte lentement à la juge son périple entre la Syrie et le Liban. En 2012, elle fuit son pays en guerre avec son mari et sa petite fille de 2 ans. Puis la voilà obligée de retourner à Alep l’espace d’un mois pour passer son permis de conduire, le Liban n’accordant pas aux étrangers le droit de l’obtenir sur son sol. Nazlia verse donc 15.000 livres syriennes (25 euros) à l’auto-école pour décrocher son précieux papier. Pressée de fuir un pays menaçant pour sa famille, elle verse presque le double à un voisin, fonctionnaire, capable de lui remettre son permis avant le délai de 3 mois imposé par la Syrie.
Au terme d’un nouvel exil, la famille finit par s’établir en Loir-et-Cher. En avril 2017, lorsqu’elle tente d’obtenir un permis français en échange des documents syriens, la préfecture l’accuse de produire un permis falsifié. La contrefaçon semble grossière : les couleurs et les liserés n’ont pas l’apparence des papiers officiels. Elle est donc aujourd’hui accusée par la justice française de détenir de faux documents administratifs. Tout l’enjeu de l’audience pour la présidente du tribunal, Marie-Christine de Fierville, est de savoir si la prévenue est de bonne foi. Nazlia jure qu’elle ne soupçonnait pas une falsification. « Avez-vous quand même essayé de le repasser en France ? » s’inquiète la juge. « Je préfère mettre mon temps libre pour apprendre le français » répond la jeune femme avec aplomb. Le vice-procureur, Jean Dematteis, n’est pas convaincu de l’ignorance de Nazlia. « A chaque accusation de faux permis, ils donnent tous la même version. Ils ne savaient pas… C’est un peu court comme analyse ! Sa version est invérifiable, les papiers ont même pu être falsifiés en France, on n’en sait rien. ». Le parquet requiert 3 mois de prison avec sursis avec confiscation du permis.
L’avocate de Nazlia, Me Schéhérazade Bougrara, tempère l’ardeur du magistrat : « Franchement, il faut une analyse fine des documents pour déceler les erreurs. Et puis les bakchichs sont monnaie courante dans les pays du Moyen-Orient. Ils ont le statut de réfugié politique, ils veulent s’insérer socialement, la sanction me paraît bien importante ». Le tribunal a revu les réquisitions à la baisse mais a estimé que Nazlia ne pouvait ignorer la falsification. Elle a été condamnée à 15 jours de prison avec sursis.