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Pour aller plus loin, après la publication de notre article « Une compil’ de préjugés » au sujet du très médiatisé ouvrage « Inch’Allah, l’islamisation à visage découvert » de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, le JSD a interrogé Fabien Truong, sociologue et professeur agrégé à l’université Paris 8. Un entretien qui met les faits en perspective.

Le JSD : Quel est votre ressenti sur cette enquête menée par 5 apprentis journalistes du CFJ sous la direction des journalistes d’investigation, Gérard Davet et Fabrice Lhomme ?

Fabien Truong : La manière dont est aujourd’hui posé le débat est dérangeante. Cette enquête collecte et collectionne une succession d’observations de manière assez impressionniste. « L’islamisation », qu’est-ce que c’est ? Cela ne veut rien dire, et cette notion dans l’ouvrage n’est pas définie. En plus, il y a l’idée sous-jacente que « l’islamisation » augmenterait. Mais pour l’affirmer, il faudrait faire une étude historique et comparative et nous dire comment c’était « avant » par rapport à maintenant… Et de quel « avant » parle-t-on ? C’est sûr qu’avant la colonisation et les vagues d’immigrations qui ont suivi, la population musulmane en France était bien moins importante qu’aujourd’hui. Mais est-ce que c’est bien cela, cette visibilité accrue de l ’islam dans certains quartiers, « l’islamisation » ?

Quand on fait une enquête, il faut préciser de quoi on parle, définir un objet. L’ouvrage ne dit pas grand-chose du phénomène qu’il est censé étudier, c’est-à-dire : la nature de la présence de l’Islam dans les quartiers et la façon dont elle orienterait le quotidien des habitants. Que cette religion soit plus importante en Seine-Saint-Denis que dans le 15ème arrondissement, ce n’est pas un scoop. C’est même logique, voire mécanique. On sait que sont concentrées dans les quartiers populaires où il y avant tout de la ségrégation sociale et urbaine, des populations immigrées qui sont arrivées à partir des années 1950, 1960, d’anciennes colonies, de pays qui sont en grande partie de confession musulmane. Donc oui, il y a un tableau avec une présence plus visible de l’Islam dans les quartiers populaires. Mais si c’est cela qui dérange, pourquoi ça dérange, qu’est-ce qui dérange et qui ça dérange ? L’ouvrage n’a pas l’intention de mettre ces problèmes, très réels et très concrets, en perspective.

Politisation de l’Islam

Le JSD : Dans la préface, les journalistes définissent le terme « islamisation ». Ils utilisent celle du dictionnaire Larousse : « c’est l’« action d’islamiser », c’est-à-dire de « convertir à l’islam », et/ou d’« appliquer la loi islamique dans divers secteurs de la vie publique et sociale ».

Fabien Truong : Mais là encore, que veut dire islamiser, que veut dire convertir ?
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Le journal de Saint-Denis

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