Défaillances. Les magistrats dénoncent notamment des délais de prises en charge bien trop longs, une dégradation des dispositifs de protection de l’enfance ou encore des “mesures fictives” prononcées à l’intention des jeunes délinquants.
« Juges des mineurs délinquants, nous sommes, aussi, juges des mineurs en danger ». Dans une tribune publiée ce lundi 5 novembre sur le site du Monde et de France Inter, les juges pour enfants du tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis) tapent du poing sur la table. Signée par le président du tribunal, Thierry Baranger, cette tribune se veut une « alerte » à l’intention de la société et du gouvernement. Les défaillances pointées dans le texte publié sont nombreuses.
Délais trop longs, manque de personnel, restrictions budgétaires…
Les magistrats déplorent tout d’abord des délais de prise en charge « inacceptables » des mesures d’assistances éducatives lors de la séparation avec la famille. « Il s’écoule jusqu’à dix-huit mois entre l’audience au cours de laquelle la décision est prononcée par le juge pour enfants et l’affectation du suivi à un éducateur », regrettent les cosignataires. En cause : « Un manque flagrant de personnel, lié aux restrictions budgétaires, dans un contexte où la dégradation des conditions de travail éducatif et social en Seine-Saint-Denis rend plus difficiles les recrutements ».
Le sous-effectif des éducateurs du Conseil départemental, dont le rôle est d’accompagner les enfants placés et leurs familles, est également mis en cause. « Le repérage et l’analyse des dangers auxquels sont confrontés les enfants du département deviennent de plus en plus difficiles », peut-on lire. Faute de moyens financiers, « des mineurs en détresse ne peuvent ainsi plus recevoir l’aide dont ils ont besoin », apprend-on également. Le nombre de greffiers au tribunal, lui aussi insuffisant, « est à présent la norme ». Les jugements pénaux, eux, sont notifiés dans des délais trop longs (environ un an), surtout dans un département où les actes de délinquance sont nombreux.
Belloubet renvoie la balle au département
Aussi, les signataires de la tribune regrettent être « devenus les juges de mesures fictives ». « Des enfants mal protégés, ce seront davantage d’adultes vulnérables, de drames humains, de personnes sans abri et dans l’incapacité de travailler », promettent ces juges pour mineurs. À terme, « ce seront davantage de coûts sociaux, de prises en charge en psychiatrie, de majeurs à protéger et, ce n’est plus à prouver, davantage de passages à l’acte criminels ».
Invitée à réagir au micro de France Inter ce lundi, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a constaté une situation « très grave », avant de renvoyer la responsabilité au département de Seine-Saint-Denis. « C’est une politique qui appartient au département que d’exécuter la mise en œuvre de ces décisions de justice », a jugé la garde des Sceaux, bien que ne niant pas « la responsabilité de l’État ».