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À l’occasion de la sortie de l’ouvrage « Français radicalisés – L’enquête, ce que nous révèle le suivi de 1 000 jeunes et de leurs familles » (Éd. de l’Atelier, novembre 2018), l’anthropologue Dounia Bouzar revient, à travers plusieurs articles sur Saphirnews, sur des idées reçues autour de l’attrait à l’extrémisme violent dit « jihadiste » et les étapes de sortie de radicalisation. Cela à partir de ses statistiques nées d’une étude produite par le Centre de prévention des dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI).

Première question : la connaissance de la culture arabo-musulmane protège-t-elle de l’extrémisme violent dit « jihadiste » ?

[…] Les familles de culture arabo-musulmane de classe populaire craignent que l’appel au numéro vert entraîne la stigmatisation, voire le fichage des frères et sœurs non concernés. Cette inquiétude est partagée par les familles de classe sociale moyenne, mais ces dernières se rassurent en évoquant leur réseau et leur capacité de payer un avocat pour se protéger de toute gestion discriminatoire de la police. Ce paramètre explique également que les familles de culture arabo-musulmane soient sous-représentées au sein de notre échantillon, au regard des chiffres nationaux, puisque nous étions mandatés par les préfets pour intervenir après saisine du numéro vert par les familles…

L’échantillon permet néanmoins de constater que le niveau socioculturel intervient comme facteur de protection significatif pour les jeunes de culture arabo-musulmane, puisque l’on passe de 61 % des jeunes radicalisés issus de classes populaires à 29 % de jeunes de classes moyennes. […]

Nous posons l’hypothèse que ce résultat est dû au fait que les familles arabo-musulmanes de classe moyenne ayant accès à la culture ont transmis des éléments de connaissance de la civilisation arabo-musulmane à leurs enfants, de manière directe ou indirecte, et que cela les protège de la manipulation de ces mêmes éléments par les discours « jjihadiste ». La connaissance de la civilisation arabo-musulmane constituerait donc un facteur de protection.

En effet, moins le jeune a de connaissances sur l’Histoire et la culture musulmane, plus il peut être perméable aux discours « jihadistes » qui manipulent ces éléments à des fins politico-extrémistes ainsi qu’aux représentations négatives de l’islam issues du débat public (l’islam serait par essence une religion violente, sexiste, raciste…) pas très éloignées des agissements de Daesh. […]

Cela expliquerait que les jeunes issus d’autres cultures soient moins protégés : la connaissance de l’Histoire et de la civilisation musulmanes ne fait pas encore partie de la culture commune française transmise systématiquement à l’école, au collège, à l’université ou dans les grandes écoles ; dans les concours de la (haute) fonction publique, les candidats ne sont pas interrogés sur ce type de connaissances. Ainsi, rien ne permet à ces jeunes d’acquérir dans ce domaine des connaissances qui leur donneraient les outils nécessaires pour identifier les manipulations du discours « jihadiste ».

Dès lors, même si le nombre de jeunes issus de familles d’origine maghrébine au niveau national est plus élevé que celui des jeunes issus d’autres familles, nous interrogeons dès maintenant l’interprétation qui peut en être faite. Contrairement à ce qui a été véhiculé par certains discours politiques, ce serait non pas la culture maghrébine de la famille du jeune qui apparaîtrait comme un facteur de risque, mais bien l’absence de connaissance de l’Histoire et de la civilisation arabo-musulmane.

saphirnews

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