FIGAROVOX/TRIBUNE – Élisabeth Lévy revient sur l’enquête réalisée par les journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, concernant l’islamisation de certaines parties du territoire français, et se réjouit qu’une frange de la gauche ouvre enfin les yeux sur ce phénomène.
FIGAROVOX.- Vous consacrez la dernière une de Causeur au livre de deux journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, qui décrit l’islamisation de la société en Seine Saint Denis. Méritaient-ils tant d’honneur? Avez-vous réellement appris quelque chose de nouveau en lisant leur livre?
Élisabeth LÉVY.- Ne soyez pas injuste avec les jeunes confrères qui ont mené l’enquête: nous n’avons évidemment pas été surpris par le tableau d’ensemble ; mais il y a bien sûr beaucoup de détails que vous et moi ignorions, comme cette affaire de barbecue annuel de la PJ du 93 où la convivialité est peu à peu minée par des revendications religieuses. Cela dit, le sujet de notre «une» n’est pas le livre de Davet et Lhomme en tant que tel, mais le tournant qu’il marque peut-être dans la prise de conscience d’une islamisation qui menace la cohésion française. Quand nous proclamons «Le Monde découvre la lune» – en l’occurrence la lune islamiste, nous nous moquons gentiment de leur retard à l’allumage, mais en même temps nous saluons le début de la fin du déni. Cela dit, nous sommes encore un brin optimistes. Certes, beaucoup de journalistes du Monde ont découvert la lune. Avant Davet et Lhomme, le directeur du Monde des Livres Jean Birnbaum, qui publie ces jours-ci La religion des faibles, un excellent essai sur l’impuissance progressiste, s’interrogeait déjà dans son précédent livre sur les errements de la gauche, sa famille politique, face à l’islamisme.
Le Monde a une part de responsabilité dans l’aveuglement face à l’islam radical.
Dans La Communauté, paru au printemps, Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, autres grandes plumes du quotidien, ont décrit la descente aux enfers de Trappes dont 67 jeunes sont partis faire le djihad. Pour autant, ils restent des francs-tireurs dans leur propre rédaction où visiblement tout le monde n’est pas encore parvenu au même degré de conscience. Depuis des années, Le Monde a contribué à jeter le soupçon sur les lanceurs d’alerte. Il a consacré des unes angoissées à la montée «des idées du Front national» (la première étant l’inquiétude face au fondamentalisme), mais a toujours trouvé mille excuses et autant de sociologues pour expliquer que nous étions les principaux responsables de la sécession d’une partie de notre jeunesse musulmane…
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La prise de conscience de Davet et Lhomme, mais aussi d’une partie de la gauche politique et médiatique arrive bien tard. Trop tard?
Trop tard, c’est mieux que pas du tout. Et non, il n’est pas trop tard. Il est bien trop tôt pour décréter qu’on ne peut rien faire contre la séduction qu’exercent des islamistes sur une partie de notre jeunesse. Le pouvoir de la raison existe, pour peu qu’on veuille en faire usage. On ne peut pas imposer durablement à une société un changement dont elle ne veut pas. «Nous vaincrons. Parce que nous sommes les plus morts», a écrit Muray…
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