D’après la légende, Esope, arrivé esclave sur l’île grecque de Samos, envoûta tellement les locaux avec ses fables, que non seulement ils lui rendirent la liberté, mais ils lui consacrèrent même un temple.
Qu’Esope soit venu chercher la liberté sur cette île de l’Egée-Septentrionale revêt un caractère particulièrement poignant aujourd’hui, même s’il ne s’agit que d’un mythe, car Samos abrite l’un des plus grands camps de réfugiés de Grèce. Plus de 4.400 demandeurs d’asile du Moyen-Orient et d’Afrique vivent dans le camp surpeuplé de la ville portuaire de Vathy, la capitale de Samos, ou dans ses environs, dans l’attente de pouvoir traverser la mer jusqu’au continent et au-delà, où ils espèrent trouver un avenir meilleur.
[…] Comme le reste de la Grèce, Samos a souffert de la crise économique de 2008, suivie d’une chute du tourisme et d’une vague de réfugiés en 2015, de sorte que les commerçants locaux, les associations de volontaires, tout comme les réfugiés, accueillent volontiers les touristes qui souhaitent se rendre utiles tout en prenant du bon temps. […] Certains cafés et restaurants locaux refusent de servir les réfugiés non accompagnés par quelqu’un qui soit visiblement un occidental, mais il y a des exceptions […]. Après tout, de nombreux Grecs comprennent ce qu’est l’exil, la guerre et la pauvreté les ayant dispersé plus d’une fois partout à travers le monde.Les Samiotes ont aussi leur propre histoire particulière en tant que réfugiés, remontant à 365 av. J.-C., quand les Athéniens capturèrent Samos, exilèrent leurs habitants et saisirent leurs terres. D’après Aristote, leur infortune affecta tant les Spartiates, ces fameusement farouches guerriers de la Guerre de Troie, que ceux-ci jeûnèrent une journée et firent don aux réfugiés de l’argent économisé.
Héra, reine des dieux, qui serait née à Samos, était également un symbole de l’asile […].
Les réfugiés d’aujourd’hui, hélas, rencontrent moins de compassion que leurs prédécesseurs, en partie parce que les Grecs souffrent toujours économiquement parlant, et qu’ils ne croient pas pouvoir faire face au flot continu d’arrivées de réfugiés, et en partie parce que les fermetures récentes de frontières européennes ainsi que le véto d’entrée aux Etats-Unis frappant les voyageurs de certains pays à majorité musulmane, dont la Syrie, de même que les camps surpeuplés sur le continent, tout cela a laissé plus de réfugiés que jamais prisonniers de ces îles.
[…]
“Je comprends que c’est leur pays, et qu’ils ne veulent pas de nous,” confie Ayad [un migrant syrien]. “On aimerait tous pouvoir rentrer chez nous. Mais on ne peut pas.”
“On veut juste être traités comme des êtres humains,” ajoute [son compatriote] Hasan. S’il vous plaît, dites ça au monde.”