MàJ 21/11/2018
Uniquement sur La Tribune de l’Art
20/11/2018
« Le Point » s’est procuré le rapport Sarr-Savoy sur les restitutions du patrimoine culturel africain, commandé par Emmanuel Macron en 2017. Explosif.
Mais comment reprocher à Felwine Sarr et à Bénédicte Savoy de teinter leur rapport d’une repentance qui ne dit pas son nom ? En effet, cette demande présidentielle s’inscrit, selon eux, dans la droite ligne des déclarations d’Emmanuel Macron en Algérie sur la colonisation qualifiée de « crime contre l’humanité ». Les restitutions définitives d’œuvres d’art au Bénin, au Mali, au Cameroun ne sont que l’illustration et la reconnaissance du crime. Mais, préviennent-ils, « rendre les objets ne compensera pas la perte incommensurable des réserves d’énergies, des ressources créatives, de gisements de potentiels ». (…)
Alors, que restera-t-il dans les musées ? Des départements entiers du quai Branly seront-ils vidés de leurs œuvres ? Les auteurs n’évacuent pas cette inquiétude, à laquelle ils consacrent même un paragraphe dès leur introduction. Évoquant le « réflexe de défense et de repli » suscité par le mot « restitution », ils citent les tensions provoquées par la promesse de Nicolas Sarkozy de rendre à la Corée du Sud les 300 manuscrits précieux provenant d’une expédition punitive de l’armée française en 1866, ou encore la difficulté pour l’Allemagne de restituer aujourd’hui à la Tanzanie le squelette fossile du plus grand dinosaure du monde. Mais à ces craintes passées ou futures Sarr et Savoy ne semblent pas soucieux d’apporter des réponses rassurantes. Bien au contraire. Voici ce qu’ils écrivent sur ce sujet crucial : « Le problème se pose lorsque le musée n’est pas le lieu de l’affirmation de l’identité nationale mais qu’il est conçu, comme le souligne Benoît de L’Estoile, comme un musée des Autres ; qu’il conserve des objets prélevés ailleurs, s’arroge le droit de parler des autres (ou au nom des autres) et prétende énoncer la vérité sur eux. (…) À travers les objets et les récits portés par les collections dites ethnographiques se sont mises en place des représentations contrôlées des sociétés, souvent essentialisées. » Rien ou presque qui vaille d’être conservé, à les lire. (…)