Disparu en 2008, l’écrivain russe et dissident soviétique, qui avait fait l’expérience du goulag et dénoncé au monde son ampleur, aurait eu 100 ans le 11 décembre. Plusieurs événements et parutions lui sont consacrés afin de célébrer sa mémoire et son œuvre immense.
C’est en France, répétait volontiers Alexandre Soljenitsyne, qu’il avait été le mieux reçu et le mieux compris. Et c’est à Paris que se fit entendre la première salve – assourdissante – de L’Archipel du Goulag, en 1973, avec la parution en exclusivité mondiale et en langue russe de ce monument littéraire et fondateur. Reconnaissant, le prix Nobel de littérature 1970 avait même songé à se réfugier dans l’Hexagone après son expulsion d’Union soviétique.
Le Comité pour le centenaire Soljénitsyne organise de nombreux événements autour d’un colloque à l’Institut de France et à la Sorbonne les 19, 20 et 21 novembre 2018 pour commémorer cet anniversaire.
La mairie du 5e arrondissement accueillera quant à elle en partenariat avec le Comité, du 19 novembre 2018 au 8 janvier 2018, une exposition exceptionnelle dans l’Agora Jacqueline de Romilly qui sera inaugurée pour l’occasion en présence de la veuve de Soljenitsyne et d’Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie Française.
L’exposition présentera des archives de l’écrivain, venant de Russie : des manuscrits autographes du temps de la « charachka », des dactylogrammes, les premières rédactions de ses romans, mais aussi un album de photos prises par l’Auteur, des exemples de samizdat, le chapelet qui lui permit de retenir mentalement des milliers de vers… Et des objets conservés en France : des lettres, des photos, le fameux tube dans lequel L’Archipel du Goulag est resté enterré en Estonie pendant des années, l’histoire des Invisibles, le meuble et les caractères cyrilliques de l’imprimerie Berezniak, qui servirent à composer L’Archipel…
Révolution et mensonge (Fayard)
Au moment où l’Institut de France s’apprête à célébrer ce géant du XXe siècle, ce livre réunit trois textes de Soljénitsyne autour de la révolution, dont un inédit en France : Deux révolutions terribles, où il fait une analyse comparée entre la révolution française et la russe. Dans Vivre hors du mensonge, il nous livre son moteur intérieur contenu dans ces quatre mots. Dans Leçons de février, il s’interroge sur la chute éclair d’une monarchie tricentenaire.
Un discours sur les faiblesses de l’Occident
[…] discours prononcé le 8 juin 1978 aux États-Unis par l’écrivain russe. C’était par un samedi après-midi pluvieux, dans le Harvard Yard, ce terrain planté d’arbres et de gazon, au cœur de l’université américaine […]Plus de 20 000 étudiants fraîchement diplômés et leurs proches écoutent pendant une heure le Prix Nobel de littérature […]
Au lieu d’exprimer sa gratitude envers le pays de la liberté qui l’a accueilli et de faire le procès du système communiste, il se lance dans une longue péroraison sur les faiblesses de l’Occident, son matérialisme, son légalisme, sa superficialité, son bien-être satisfait mais « pernicieux ». « Depuis l’Antiquité », dit-il, en s’exprimant en russe par l’intermédiaire d’un traducteur, « un déclin du courage a été considéré comme le début de la fin ».
Soljenitsyne soutient que le déclin spirituel de l’Occident a commencé à la Renaissance et a trouvé son expression politique à partir de la période des Lumières, dans « l’humanisme rationaliste » et « l’autonomie proclamée de l’homme envers toute force supérieure à lui ». « Nous avons perdu l’idée d’une entité supérieure qui autrefois refrénait nos passions et notre irresponsabilité », assène-t-il avec des accents de Grand Inquisiteur. Soljenitsyne dénonce cet humanisme détaché de son héritage chrétien et fustige le pouvoir incontrôlé des médias, leur conformisme, soumis à la mode et à l’« esprit du temps ».
Cet éloge de la verticalité et de l’autorité morale fut mal accueilli. […]