Mondialement connu pour ses masques rituels en bidons d’essence, l’artiste béninois vit et travaille à Porto Novo. Il donne son point de vue sur la demande de restitution des œuvres du Bénin conservées au musée du Quai Branly. Percutant, comme son œuvre.
« Cette demande de restitution est typiquement ce que j’appelle une fausse bonne idée. Ce n’est rien qu’un acte politique orchestré par le Cran [Conseil représentatif des associations noires de France] et son président, Louis-Georges Tin. Avant d’avoir cette fausse bonne idée, M. Tin devrait venir vivre au Bénin, tout comme notre gouvernement, qui est loin des réalités de la rue. Cela fait cinquante ans que notre culture est à l’abandon. Il faudrait d’abord faire un état des lieux. Le Cran dit que nous sommes prêts à financer le musée qui accueillerait les œuvres venues de France, mais les Béninois ne paieront pas, c’est certain. Nos politiques s’imaginent que des mécènes vont tout payer, comme l’Angolais Sindika Dokolo, gendre du président Dos Santos, qui finance des projets culturels en Afrique.
Si on fait cet état des lieux, on réalise que cela fait cinquante ans que la culture au Bénin a toujours été gérée par la France. Angelique Kidjo, Richard Bona, Ismaël Lô, tous ces artistes ont percé grâce à la France. Car tous sont passés par le Centre culturel français de Cotonou. Lors de la soirée d’anniversaire des 50 ans du Centre, en 2013, qu’a demandé à la France le ministre de la Culture du Bénin dans son discours ? D’en faire encore plus ! Nous, les artistes béninois, nous avons eu ce tremplin parce que nous avons travaillé. Mais depuis des décennies, qu’est-ce qui a été fait par les politiques du Bénin ? C’est toujours la France qui a aidé à ce que nos musées soient fréquentables, pas le Bénin.
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Il y a quinze ans, le ministre de la Culture de l’époque, Gaston Zossou, avait dit dans Le Monde que le palais d’Abomey était un tas de ruines et proposait de le raser pour reconstruire un bâtiment en béton. Personne n’a réagi ! Le palais était déjà classé à l’Unesco ! Trois cents pièces ont disparu du musée d’Abomey et personne ne les a jamais cherchées.
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