Pour cette historienne des mouvements sociaux, les «gilets jaunes» constituent un mouvement inédit dans sa forme et le symptôme «préoccupant» d’un délitement du cadre politique français.
Quels sont les aspects inédits d’un mouvement comme celui des «gilets jaunes» en France?
Jusqu’alors, l’émergence d’un grand mouvement devait s’appuyer sur des socles identifiés. À gauche, cela pouvait s’illustrer par une assise syndicale, comme nous l’avions vu par exemple en 2002, lors des manifestations organisées contre la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle.
À droite, un mouvement comme celui de la Manif pour tous s’était appuyé sur la logistique de l’Église catholique, même si celle-ci n’était par organisatrice en titre. Aujourd’hui, les «gilets jaunes» apparaissent comme un mouvement d’ampleur, par tant sur le plan numérique que dans son caractère inattendu. L’assise sociologique de cette manifestation est inédite dans la mesure où elle réunit à la fois des indépendants, qui ont une certaine habitude des mouvements antifiscaux, mais aussi des salariés, habituellement mobilisés au niveau syndical. […]