Il est difficile de faire une sociologie en temps réel des individus et des groupes qui se mobilisent tant le mouvement est divers. Une chose est certaine : devant nos yeux explose le résultat de vingt ans de politiques néolibérales qui fracturent la société française, créent des nouveaux clivages et font à nouveau exploser les inégalités. Ce n’est pas nouveau : on observe depuis plusieurs années des conflits à bas bruit dans le monde du travail. Les « gilets jaunes » attirent autant l’attention car ils mettent en lumière un malaise beaucoup plus répandu et apparaissent comme incontrôlables. Ce qui est inquiétant, c’est qu’en face, on a des politiques dans l’impuissance, la méconnaissance, voire le mépris.
Pourquoi, selon vous, les revendications portent-elles en particulier sur le pouvoir d’achat ?
Parce qu’il a cessé de progresser depuis vingt ans pour beaucoup de nos concitoyens. Qui est aujourd’hui capable de se souvenir de la dernière mesure qui a créé du pouvoir d’achat ? Qui peut citer une seule victoire entraînant une amélioration des conditions de vie des salariés dans une période récente ? Il n’y en pas eu au XXIe siècle.
Les gouvernements successifs n’ont cessé de répéter qu’il n’y avait pas d’argent, et ont été incapables de s’attaquer aux privilèges de quelques-uns. […]