« “C’est encore un musulman”, ont directement réagi mes copines, hier soir », raconte Kanita, 17 ans, les larmes aux yeux. Retrouvant un proche à la gare, elle a bien besoin de l’étreindre. Elle ne comprend pas. « Moi aussi j’étais au marché de Noël avec mes frères et sœurs la semaine dernière. C’est un symbole chrétien, et alors ? Tout le monde va au marché de Noël. » Originaire de Nice, venue à Strasbourg pour ses études, le sort s’acharne. « Ça commence à s’accumuler », accuse la jolie jeune femme, se sentant brusquement à nouveau fragilisée : « On va encore être mal vus », souffre-t-elle.
Dans la rue, Halima, 45 ans, musique dans les oreilles, et fin voile encadrant son visage, est, elle aussi, choquée. « Ces gens n’ont rien fait de mal ! Ils sont morts pour rien ! ». Mais si elle s’attend à ce qu’on la regarde “bizarrement”, elle le comprend. « Ce serait normal. Je ne le prends pas pour moi. C’est une réaction logique », juge-t-elle, fataliste.
Un délinquant, pas un musulman
Sortant de la prière de 14 h 30, à la Grande mosquée de Strasbourg, un quadragénaire n’a pas non plus peur d’être critiqué. « Quel rapport avec nous ? Ce n’est pas un musulman mais un délinquant, un meurtrier ». Pourtant, il l’avoue, amer : il est « dégoûté » et n’a pas dormi de la nuit. « J’entendais les hélicoptères, et je me demandais : Est-on en Irak ? En Syrie ? S’il y a vraiment des mauvaises mosquées comme on le dit, pourquoi l’État ne fait-il rien ? Notre imam vient du Maroc, on n’a rien à lui reprocher. Le tueur, lui, il est né à Strasbourg. Cela m’énerve encore plus ! Mais tout le monde ici condamne ça ! », tempête-t-il. […]