C’est une élection qui peut paraître plus symbolique qu’autre chose : l’intellectuel franco-algérien Ghaleb Bencheikh a été désigné président de la Fondation de l’Islam de France (FIF), où il succède à Jean-Pierre Chevènement, élu à l’unanimité des voix du conseil d’administration moins une, celle d’Ahmet Ogras du CFCM. Malgré l’inaction de cette fondation ces deux dernières années, en coulisse, l’Etat a mené une véritable campagne pour imposer son candidat. Une nomination riche en enseignements et moins anecdotique qu’il n’y paraît.
Ce poste de président de la FIF devait logiquement revenir à Hakim El Karoui. Tout semblait être fait… jusqu’à dimanche dernier. Lors de son Congrès des musulmans de France à l’Institut du monde arabe, le Conseil français du culte musulman a réussi l’exploit de réunir toutes les composantes de l’« Islam de France. » Même les fédérations en désaccord avec la politique du CFCM étaient présentes. De quoi faire dire à Emmanuel Macron que toute réforme du culte musulman doit passer par les musulmans, capables de s’unir quand il le faut. (…)
Pourquoi ce revirement, véritable coup de poker de la part de la place Beauvau ? En choisissant l’intellectuel franco-algérien, indique un observateur avisé, « l’Etat se sert de la Fondation de l’Islam de France pour envoyer deux messages politiques. » Le premier à Dalil Boubakeur, recteur de la Grande mosquée de Paris. Ghaleb Bencheikh est certainement son meilleur ennemi : depuis plusieurs années, il lorgne en effet sur le poste de recteur de la GMP autrefois occupé par son père, Cheikh Abbas, entre 1982 et 1989. Son passage par la FIF pourrait légitimer sa demande.
Le second message est plus politique encore. La France prévient l’Algérie qu’elle devra se positionner quant à Dalil Boubakeur mais aussi qu’elle sera vigilante quant à l’élection de juin pour la présidence du CFCM. La présidence tournante du Conseil est en effet promise à un Algérien et Dalil Boubakeur semblait le mieux placé. Or, le choix d’un Franco-Algérien à la tête de la FIF rebat les cartes. Alger devra donc lâcher du lest. Trois options s’offrent à Alger : la moins probable serait de laisser les Marocains prendre la présidence du CFCM. Le choix d’une personnalité franco-musulmane plus neutre est également envisageable. A moins que la Turquie ne tente de garder la présidence du Conseil. Des manœuvres auraient déjà débuté dans ce sens.