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Une mère afro-américaine installée avec ses enfants en Suisse témoigne du racisme ordinaire dont sa famille a été victime. Le pays, pourtant très divers, est loin d’être accueillant pour tous.

D’après mon expérience personnelle, les Suisses sont toujours polis, gais, serviables et disposés à me parler en anglais lorsque mon suisse allemand rudimentaire me fait défaut. Je ressens davantage le poids d’être une étrangère qui ne parle pas la langue du pays que celui du racisme. Mais la plupart des Suisses avec qui j’ai des relations sont des commerçants, et se montrer aimable est une part importante de leur métier.

Ma fille et mon fils préadolescents vont dans une école internationale, mais ils prennent les transports publics, se rendent dans d’autres régions pour participer à des compétitions sportives et fréquentent des enfants suisses. Ils sont beaucoup mieux intégrés que moi. Pourtant, ils ont été victimes de comportements racistes.

Je n’oublierai jamais les larmes dans les yeux de mon fils lorsqu’il m’a raconté sa première expérience du racisme, qu’il a faite en Suisse. Il se rendait au lac à pied pour retrouver des amis, et une femme a serré son sac à main contre elle et traversé la rue pour ne pas marcher à côté de lui. À cause de la couleur de sa peau, mon garçon au visage d’ange, drôle et intelligent avait été vu comme quelqu’un à éviter, quelqu’un qui était une menace, quelqu’un qui ne devait pas être là. […]

La fois suivante, il lui est arrivé quelque chose de plus grave et j’ai pu faire front. Il attendait le bus à l’arrêt le plus proche de son école, et qui se trouve également à proximité d’un centre d’accueil pour les réfugiés. Il a fait signe au chauffeur, mais celui-ci ne s’est pas arrêté et lorsqu’il est passé devant lui, il lui a fait un doigt d’honneur en riant méchamment. […]

Ma fille n’a pas été épargnée par les expériences négatives. Un jour, elle voyageait debout dans un bus public lorsqu’un garçon suisse l’a fait tomber par terre et l’a traitée de “nègre”. Elle n’a eu aucune interaction avec ce garçon avant qu’il ne l’agresse et ne faisait que discuter avec son amie.

Heureusement, son amie parlait couramment allemand et pendant que ma fille le remettait à sa place en anglais, son amie le faisait en allemand. Je suis fière qu’elle ait tenu tête à une petite brute raciste, mais j’ai aussi peur que la prochaine fois (car je suis certaine qu’il y en aura une) elle n’ait personne pour la soutenir et que le garçon ne recule pas.

En raison de l’immigration, la Suisse est de plus en plus diverse du point de vue racial. Selon les estimations, environ 100 000 Noirs vivent aujourd’hui dans ce pays. La Suisse a là une occasion unique de tirer la leçon des erreurs des États-Unis, dont l’histoire est marquée par les relations toxiques entre les races, et de celles de ses voisins européens, dont beaucoup n’ont pas réussi à intégrer de façon satisfaisante leurs importantes populations d’immigrés africains et arabes ni à apprendre aux natifs la tolérance et l’acceptation.

Le gouvernement suisse prend certaines initiatives afin de comprendre le problème du racisme sur son territoire, ce qui est un premier pas pour le résoudre. Une étude de la Commission fédérale suisse contre le racisme a montré que les Noirs n’avaient pas le même accès aux services publics, au logement, à l’emploi ou à la protection de la justice que les autres habitants, et qu’ils sont souvent victimes de profilage racial de la part des autorités. Malgré ces constatations, 51 % des Suisses considéraient dans un sondage réalisé en 2017 que le racisme contre les Noirs était un problème mineur. […]

Courrier International

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