Agnès* n’en revient pas. La presse a parlé d’elle ce dimanche matin. « C’est rigolo, j’ai eu mon quart d’heure de gloire ! » Hier soir, cette dame de « 74 ans et demi » a été confrontée, dans la ligne 4 du métro parisien, à plusieurs individus portant des gilets jaunes, tenant des «propos antisémites» et faisant des quenelles. « Des propos d’ivrognes », tranche cette petite femme, qui ne veut absolument dramatiser ce qui lui est arrivé. « Je suis au-dessus de tout ça ! » Cet après-midi, elle a contacté 20 Minutes et nous a raconté ce qu’il s’était passé.
Samedi soir, vers 23h, Agnès rentrait chez elle. Dans la rame, trois hommes, apparemment éméchés, rentrant de la manifestation des « gilets jaunes ». « Macron démission », hurlaient-ils. Soudain, ils ont commencé à faire des quenelles. Un geste qui a choqué Agnès. Elle s’est levée, est allée vers eux, et leur a dit : « C’est une geste antisémite, je suis juive, mon père a été déporté à Auschwitz où il est mort. Je vous demande d’arrêter. » Mais ces personnes ont rigolé et ont continué. « Je n’ai jamais imaginé que j’allais les raisonner », nous explique-t-elle ce dimanche.
« D’après ce que j’ai lu, c’est un geste antisémite », poursuit Agnès. « Est-ce que que tout le sait ? Dieudonné [l’inventeur de ce geste] remet tous les ans des quenelles d’or à des personnages antisémites. » Si elle a bien entendu l’un des hommes lui dire qu’il avait, comme son père, été à Auschwitz, elle n’est pas certaine, avec le bruit du métro, qu’il a ajouté que « cela n’avait jamais existé », comme nous l’affirmions. Mais elle a « senti » sur le moment qu’il sous-entendait « un truc comme ça ».
En revanche, elle a bien entendu un des autres hommes, debout dans le couloir, hurler à plusieurs reprises, pendant une à deux minutes : « Dégage la vieille ! » « Je lui ai demandé d’aller jusqu’au bout et de dire “dégage la vieille juive” ». Elle a aussi entendu l’un de ces individus faire des références à la « révolution nationale », qui est l’idéologie officielle du régime de Vichy. « Sans doute des sympathisants du Front National. »
Arrivée à la station Saint-Sulpice, Agnès est descendue, « très calme ». Mais elle assure qu’elle ne baissait pas la tête, comme nous l’avions écrit. « J’étais contente de mon esclandre ! Si je m’étais senti en danger je ne l’aurais pas fait. »[…] […]Agnès, elle, a bien réfléchi et a décidé de ne pas déposer plainte. Elle ne veut pas donner plus d’importance à ces « propos d’ivrogne ».
La première version diffusée sur twitter :
Je n'ai pas l'habitude de parler de ma vie personnelle sur Twitter. Mais j'ai été tellement choqué par ce que j'ai vu, ce soir, dans la ligne 4 du métro, que je ressens le besoin d'en parler ici. Je vais donc vous expliquer pourquoi, ce samedi 22 décembre, j'ai eu honte. [Thread]
— Thibaut Chevillard (@TiboChevillard) December 22, 2018
Dans la rame, on n'entendait qu'eux. Puis la situation est partie en vrille : ils ont commencé à faire des quenelles, des quenelles "de 40". Une petite vieille, cheveux grisonnants, le dos voûté, s'est levée. Elle est allée vers eux et leur a demandé d'arrêter.
— Thibaut Chevillard (@TiboChevillard) December 22, 2018
Un autre s'est ensuite mis à hurler : "dé-gage la vieille ! dé-gage la vieille ! dé-gage la vieille !" Son copain a enchaîné avec un bon vieux : "On est chez nous ! On est chez nous !" La petite vieille est retournée s'asseoir sous leurs insultes.
— Thibaut Chevillard (@TiboChevillard) December 22, 2018
Personne dans le wagon n'a repris leurs chants nauséabonds. La gêne était même palpable. Mais personne ne s'est levé pour prendre la défense de cette petite vieille. J'ai eu honte de ce que je venais de voir. Honte de ne pas avoir bougé. Ce soir, j'ai juste la gerbe.
— Thibaut Chevillard (@TiboChevillard) December 22, 2018
Grâce à Twitter, Agnès – la « petite vieille » – nous a contacté. Voici son témoignage sur @20Minutes https://t.co/dvJhVdHs8n
— Thibaut Chevillard (@TiboChevillard) December 23, 2018