La Roumanie prend ce 1er janvier la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne. La présidence tournante roumaine arrive à un moment délicat alors que la Commission européenne vient de taper sur les doigts de Bucarest au sujet de l’indépendance de la justice et la lutte contre la corruption. Des associations roumaines se créent pour lutter contre la corruption, même si elles subissent les représailles du pouvoir.
La présidence roumaine du Conseil de l’Union européenne se déroulera du 1er janvier au 30 juin 2019. Ce pays a procédé à de nombreuses réformes pour pouvoir devenir en 2007 un État membre. Mais la situation de la liberté de la presse, de l’indépendance de la justice ou de la lutte contre la corruption pose encore question.
Entretien avec Elena Calistru, présidente de l’ONG Funky Citizens.
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Vous dénoncez une régression de votre pays…
En 2012, le Parti social-démocrate a remporté 70 % des sièges au Parlement. Et là, la folie a commencé…
Vous comparez la Roumanie à la Hongrie de Viktor Orban et à la Pologne de Jaroslaw Kaczynski. Quel rapport ?
Le PSD de Liviu Dragnea applique leurs méthodes autoritaires. Les médias sont tombés entre les mains de magnats fortement liés au pouvoir politique. Des médias indépendants, certes, ont pu se constituer sous le statut d’ONG. Mais comme en Hongrie, les ONG, dont la nôtre, sont ici les cibles de représailles. Le Parlement les oblige à publier deux fois l’an la liste de leurs donateurs au Journal officiel.
Une directive antiblanchiment de l’UE a été détournée et instrumentalisée pour nous forcer à publier la liste de nos bénéficiaires : une organisation s’occupant d’enfants autistes doit ainsi publier la liste des enfants ! Nous-mêmes, les militants, sommes décriés dans les médias proches du pouvoir comme des agents de l’étranger. On nous accuse de vouloir faire entrer des migrants en Roumanie.
La société civile réagit
Vous restez optimiste malgré tout ?
La Hongrie et la Pologne sont entrées dans l’UE en 2004, la Roumanie en 2007. Elles ont trois ans d’avance sur nous… Nous voyons ce qui se passe chez nos voisins. Nous sommes avertis. Cela permet à notre société civile de réagir plus vite.
Aujourd’hui, des ONG se lèvent un peu partout, nées dans les grandes manifestations contre la mine d’or de Rosia Montana (abandonné en 2013), la grande mobilisation contre la corruption après les 63 morts de l’incendie de la discothèque Colectiv en 2015 (qui força le Premier ministre PSD Victor Ponta à démissionner) et, ou celles de cet été contre le limogeage de la procureure anti-corruption Laura Codruti-Kovesi. On a vu jusqu’à 600 000 personnes dans les rues à Bucarest, Cluj, et dans des villes où l’on n’avait pas vu de manifestations depuis le renversement du régime de Ceaucescu en 1989.
Les gens se mobilisent de plus en plus souvent et de plus en plus fort contre l’arrogance du PSD et il est de plus en plus difficile pour lui d’imposer ce retour en arrière. S’ils étaient restés apathiques pendant la crise économique, quand les taxes avaient été relevées et les salaires amputés de 25 %, ils se dressent pour défendre les valeurs démocratiques. C’est rassurant.
Mais le PSD remporte les élections…
Oui, en recourant à un discours eurosceptique comparable à celui d’Orban Mais Dragnea n’a pas le charisme d’Orban et le PSD n’a pas les talents humains qui permettraient d’imposer une transformation de la société semblable à ce qui se passe en Hongrie ou en Pologne. Leur objectif est plus limité : garder à tout prix au pouvoir.