Dans les prochains jours, un décret doit être pris pour permettre aux préfectures et aux départements de collaborer pour évaluer l’âge des étrangers se présentant comme mineurs. Un détournement à la fois de la mission de protection de l’enfance et du principe de l’évaluation, jugent de nombreux acteurs associatifs, judiciaires, et le Défenseur des droits.
C’est un article de la loi «asile et immigration» qui est passé un peu inaperçu lors des débats parlementaires, mais dont le décret d’application qui doit être pris dans les prochains jours suscite des inquiétudes des organisations de protection de l’enfance et de défense des migrants, mais aussi du Syndicat de la magistrature, du Défenseur des droits, du Conseil national de la protection de l’enfance, et de responsables politiques. L’article 51 de la loi du 10 septembre 2018 prévoit que «les empreintes digitales ainsi qu’une photographie des ressortissants étrangers se déclarant mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille [puissent] être relevées, mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé». La création de ce fichier vise, selon le texte, à «mieux garantir la protection de l’enfance et [à] lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France».
En France, les mineurs isolés, c’est-à-dire les jeunes hommes et les plus rares jeunes femmes qui arrivent seuls dans le pays, sont considérés comme des mineurs avant d’être considérés comme des personnes en situation potentiellement irrégulière. Ils n’ont pas l’obligation de posséder un titre de séjour tant qu’ils n’atteignent pas la majorité. Pour bénéficier d’une prise en charge de l’Aide sociale à l’enfance, gérée par les départements, il faut d’abord être reconnu mineur. Or, de nombreux départements se plaignent de voir leurs dispositifs d’évaluation et d’accueil engorgés par de jeunes majeurs tentant d’obtenir un statut plus favorable que celui des plus de 18 ans. A Paris par exemple, alors qu’en 2015, 1 500 personnes s’étaient présentées pour une évaluation, les projections pour 2018 montent à 8 000. […]