Battisti : ses soutiens français “ont pris pour une vérité sa vision à lui des années de plomb”, selon Guillaume Perrault
L’auteur d’un ouvrage sur Cesare Battisti apporte un éclairage politique et historique sur ses appuis en France, alors que l’ex-militant d’extrême gauche italien vient d’être arrêté en Amérique du Sud.
En France, “il s’est créé autour de Battisti une empathie idéologique. Il a été présenté par ses défenseurs comme un combattant de la liberté”, a déclaré dimanche 13 janvier, Guillaume Perrault, auteur du livre Génération Battisti, ils ne voulaient pas savoir, alors que l’ex-militant d’extrême gauche italien vient d’être arrêté en Bolivie.
franceinfo : Cesare Battisti a passé 14 ans en France entre 1990 et 2004. Bénéficiait-il d’une certaine protection de François Mitterrand ?
Guillaume Perrault : Il bénéficiait, oui, d’une protection de fait, en tout cas d’une ambiguïté de François Mitterrand qui avait dit devant la Ligue des droits de l’Homme qu’il n’extradrait pas les anciens terroristes d’extrême gauche, sans faire d’exception. Par contre, quand il avait reçu le président du Conseil, Bettino Craxi, le socialiste, chef du gouvernement italien à cette époque-là, ce devait être en 1985, il avait dit qu’il ferait une exception pour les auteurs de crime de sang. Cela voulait dire que les anciens terroristes d’extrême gauche qui s’étaient installés en France pouvaient être extradés s’ils étaient soupçonnés ou reconnus coupables de meurtres. Donc, il y avait une ambiguïté de François Mitterrand qui a tenu deux discours différents devant deux publics différents.
Quelle relation François Mitterrand avait-il avec Cesare Battisti ?
Lui personnellement, aucune. Mais en revanche, une question politique s’est posée. Les années de plomb s’achèvent grosso modo au début des années 1980. Le terrorisme était à ce moment-là essentiellement d’extrême gauche – pas exclusivement, il y avait aussi un terrorisme néofasciste – mais les Brigades rouges et les groupuscules de moindre importance, comme les Prolétaires armés pour le communisme, ont été démantelés. Vers 1982, c’était fini. À ce moment-là, un certain nombre de membres de ces groupes se sont enfuis, et notamment en France. Et la question politique qui s’est posée, c’est : “qu’est-ce qu’on en fait ? Est-ce qu’on les laisse vivre une nouvelle vie pourvu qu’ils renoncent à la violence, ou pas ?”. Le fond du problème, c’est qu’il s’est créé autour de Battisti une empathie idéologique. Il a été présenté par ses défenseurs comme un combattant de la liberté.
[…]Le Brésil annonce l’arrestation de Cesare Battisti en Bolivie
L’ex-militant communiste est condamné à la perpétuité en Italie pour des meurtres datant des années 1970. Il devrait être ramené au Brésil puis extradé vers Rome.
L’ancien militant d’extrême gauche italien Cesare Battisti, qui était en cavale depuis décembre, a été capturé en Bolivie, selon une source officielle brésilienne, confirmée par plusieurs médias.
« Le terroriste italien Cesare Battisti a été arrêté en Bolivie cette nuit (de samedi à dimanche) et sera ramené d’ici peu au Brésil, d’où il sera probablement envoyé en Italie pour purger sa peine à perpétuité, en accord avec la décision de la justice italienne », a twitté Filipe G. Martins, conseiller spécial du nouveau président brésilien Jair Bolsonaro pour les affaires étrangères.
[…]O terrorista italiano Cesare Battisti foi preso na Bolívia esta noite e em breve será trazido para o Brasil, de onde provavelmente será levado até a Itália para que ele possa cumprir pena perpétua, de acordo com a decisão da justiça italiana.
— Filipe G. Martins (@filgmartin) 13 janvier 2019
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“Battisti est détenu ! La démocratie est plus forte que le terrorisme”, a tweeté de son côté Antonio Bernardini, ambassadeur d’Italie au Brésil. Le fils du nouveau président brésilien, le député Eduardo Bolsonaro, a quant à lui écrit sur le même réseau social, en italien avec une photo de Battisti : “Le Brésil n’est plus une terre de bandits. Matteo Salvini (ministre de l’Intérieur italien, ndlr), le ‘petit cadeau’ va arriver”.
Condamné à la perpétuité par contumace en 1993. L’ex-président brésilien Michel Temer avait signé mi-décembre l’acte d’extradition réclamé depuis des années par l’Italie, où il a été condamné par contumace en 1993 à la prison à perpétuité pour quatre homicides et complicité de meurtres dans les années 70. Ancien militant d’un groupe d’extrême gauche classé comme terroriste par la justice italienne, les Prolétaires armés pour le communisme, Battisti affirme être innocent de ces meurtres et a vécu exilé au Brésil depuis 2004, après avoir passé près de 15 ans en France.
Au terme d’un séjour en prison et d’un long processus judiciaire pour l’extrader, le président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2011) avait décidé en 2010 de ne pas livrer le fugitif à l’Italie. Jair Bolsonaro, président d’extrême droite qui a pris ses fonctions le 1er janvier, avait, lui, réitéré en décembre son intention d’extrader l’ancien militant, affirmant sur Twitter que le gouvernement italien pouvait “compter” sur lui pour le renvoyer vers son pays d’origine.
Parmi les victimes de Cesare Battisti et ses amis, Alberto Torregiani.
Le 22 janvier 1979, alors qu’il était encore enfant et accompagnait son père, il reçoit une balle dans la colonne vertébrale qui le laissera paralysé à vie.
Son père sera quant à lui froidement exécuté. pic.twitter.com/k6u4Mqe28u
— Antoine 🐘 (@Ripisylve) 13 janvier 2019