Titulaire de la chaire “Migrations et sociétés” au Collège de FranceFrançois Héran analyse les chiffres de l’immigration pour l’année 2018, dévoilés par le ministère de l’intérieur le 15 janvier.
Dans sa lettre aux Français publiée dimanche, Emmanuel Macron suggère de « fixer des objectifs annuels » en matière d’immigration. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
[…] Comment imaginer que la France puisse se retirer des conventions internationales qui les garantissent ? On ne fixe pas le niveau des droits de l’homme au gré des circonstances : on les respecte ou on les résilie. Marine Le Pen va plus loin et voudrait interdire le regroupement familial. Mais seuls l’ont fait les pays communistes naguère, les pays du Golfe aujourd’hui. C’est tout dire. […] Peut-on fixer scientifiquement une proportion optimale d’immigrés ?
Non, c’est impossible. […]
En proie à la crise des « gilets jaunes », Emmanuel Macron cherche-t-il à donner des gages aux extrêmes en déviant le débat vers l’immigration ? On attend de lui autre chose, une parole de vérité qui rappelle deux faits incontournables : la France est un pays d’immigration qui, comme la plupart des pays d’Europe de l’Ouest, respecte le droit universel à la vie de famille. Et, face à la demande d’asile, la France est très loin d’avoir pris sa part pendant la crise, si l’on tient compte de ses 67 millions d’habitants.
Chaque année en moyenne, entre 2015 et 2017, elle a enregistré 1 700 demandeurs pour 1 million d’habitants et accordé sa protection à 510 d’entre eux, ce qui la place respectivement au 13eet au 17e rang des pays européens. On fourvoie nos concitoyens en leur laissant croire que nous serions assaillis par la demande d’asile. Le grand débat a bien d’autres enjeux.