ENTRETIEN. En coproduisant le film « Yao », dont il est à l’affiche, l’acteur évoque ses racines africaines. Sous forme de road movie au Sénégal, son personnage en perte de repères effectue une quête sur ses origines.
(…) Le Point Afrique : Vous dites que ce film est un hommage à vos héritages africains respectifs : Philippe Godeau, qui a vécu au Mali dans son enfance, et le vôtre. Pourriez-vous le définir ?
Omar Sy : Africain, c’est trop générique. Je serais plus précis en parlant de la culture peule que mes parents m’ont transmise (les Peuls forment un peuple de nomades et semi-nomades de l’Afrique de l’Ouest, NDLR). J’en ai hérité la pudeur, la culture orale, le plaisir de parler avec des personnes plus âgées que moi et qui m’éclairent. Et l’importance accordée aux ancêtres, et à la transmission aux enfants, c’est une valeur que je ne tiens pas de la France. Ce film traite de ça, de ces choses importantes pour moi et qui sont essentielles au Sénégal, de ce lien ancestral. Nous ne sommes pas seuls, il y a ceux qui nous précèdent, ceux qui arrivent, et chacun, à son époque, est juste une transition. Je trouve beau qu’un film sur l’Afrique en parle.
C’est pourquoi vous dédiez Yao à votre père, Demba Sy ?
Oui, car Yao évoque la paternité, et ces attaches à la lignée, aux ancêtres. J’ai la chance d’avoir un père qui m’a toujours fait confiance, malgré mes dérapages. C’est un homme très pudique, assez énigmatique, qui nous disait peu de choses, mais ses paroles me faisaient cogiter. Il me répétait : « Il faut que tu sois mieux que moi, et que tes enfants soient mieux que toi. » J’ai eu le privilège d’aller « au bled » dès l’âge de six ans, chaque été en vacances, de parler la langue pulaar… Mais ce qui m’a beaucoup marqué, c’est un voyage que j’ai fait avec lui à travers le Sénégal, à l’âge de 19 ans. Nous sommes partis de Korokoro, le village de ma mère en Mauritanie, et on a parcouru le pays jusqu’à Dakar. Mon père m’a raconté son histoire, celle de notre famille, les lieux et rencontres qui lui étaient chers… J’en suis revenu complètement transformé : sans ce voyage, je ne serais pas l’adulte que je suis aujourd’hui. Cela a scellé la culture que mes parents m’ont inculquée, ça m’a reconnecté à mon père, donc à la lignée, à la transmission. (…)
(Merci à Uscocchorum Dux)