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Le parc de Kérizac à Vannes est l’un des lieux en ville où le trafic de drogue s’effectue aux yeux de tous de la fin de matinée jusqu’au soir.

Dans cet écrin de verdure prisé des familles, le trafic s’organise aux yeux de tous. Des jeux pour enfants aux abords du terrain de foot synthétique, on fume, on deale, on fait vivre le business. Même pas peur, les jeunes guetteurs (ou choufs) veillent.(…)

L’anonymat. Règle de base pour réussir à récolter un témoignage dans le voisinage lorsque l’on évoque le trafic de stupéfiants. “Je n’ai pas envie d’avoir de soucis, moi”, poursuit une maman quadragénaire, de retour de l’école avec son bambin : “On est déjà allé les voir pour leur dire de baisser d’un ton. Quand il est 22 h, qu’ils gueulent alors que les enfants dorment, ce n’est plus possible. Heureusement, nous ne sommes que locataires. Jamais de la vie nous ne serions restés vivre ici dans de telles conditions”. (…)

Le chouf, écharpe remontée jusqu’au nez, capuche sur le crâne, scrute. Passants, voitures suspectes, rien n’échappe à son attention.

Une vieille dame occupée à promener toutou, figure historique du quartier : “ayant connu l’époque où les vaches et les champs” dominaient le panorama, elle dit ne plus reconnaître les environs. Mais refuse de changer sa manière de vivre pour autant : “J’ai l’impression que l’on ne pourra jamais les déloger. Ils sont trop nombreux, trop organisés. Tout est parfaitement huilé. Les relèves des guetteurs à heure fixe, dès 11 h le matin jusqu’à 23 h. Mais bon, jamais je ne m’abaisserai devant eux. Tant qu’il fait jour, je passe dans le parc malgré parfois les “bouge de là” ou “tu n’es pas chez toi ici”. Certains étaient à l’école avec notre petit-fils, ils ne me font pas peur”.
(…)
Trois ventes en huit minutes, il y a de quoi avoir le sourire n’est-ce pas ? “On sait que si les flics arrivent, on sera avertis à temps, donc on fait le job, c’est tout”, lâchera, vite fait bien fait, l’un des protagonistes au moment de rentrer à son domicile.

Aux premières loges de ce spectacle, les éducateurs et entraîneurs de l’AS Ménimur (…) “tant qu’ils ne tournent pas autour de nos gamins, ils ne nous gênent pas”.

Si les récits convergent au niveau de l’organisation spatiale de la zone, les questions liées à la rémunération et la date de naissance des “choufs” font débat. D’une cinquantaine d’euros par jour pour les novices jusqu’à “300 à 700 €”, à en croire les propos tenus récemment par le procureur de la République. D’une petite dizaine d’années pour les plus jeunes jusqu’au recrutement d’yeux de lynx âgés de 18 ans à peine…

Alors qu’un splendide coucher de soleil rosé attire la pupille, le « chouf » du club de tennis demeure déserteur. Tant pis pour lui et son tabouret car un monsieur aux gros bras a décidé de sévir : “Allez hop, derrière la benne, il ne faut pas laisser ça ici car ça les inciterait à revenir. La prochaine fois, je le dégage au fusil”.

L’interview d’un habitant :

Occupation de l’aire de jeux des enfants par les vendeurs, squats permanents entre 11 h et 23 h, transactions aux yeux de tous, le parc de Kérizac n’est plus un lieu de promenade et de loisirs aujourd’hui. Quelle analyse faites-vous de cette nouvelle donne ?
Le trafic n’est pas notre combat, c’est celui de la police et de la justice. Nous, en tant qu’habitants, on veut juste retrouver les notions de bien-être et du vivre ensemble. Ce qui nous insupporte, c’est l’insalubrité, les saletés laissées, l’occupation des jeux. Ils prennent possession de l’endroit, ils font leurs besoins, ils crachent, c’est dégueulasse. J’ai l’espoir que la situation va encore s’améliorer. Oui, Ménimur va être débarrassé d’eux. C’est une question de temps. Ils vont être dégagés de Kérizac, j’en suis convaincu.

On parle d’une organisation d’une vingtaine de membres environ qui se relayent au quotidien sur le terrain. C’est aussi votre avis en tant que voisin, visuellement parlant ?
Entre 20 et 25 oui, on peut s’arrêter sur ce nombre. Mais il y a aussi plein de nouvelles têtes qui passent et des recrues venant des patelins environnants. Sans oublier ceux qui, lorsqu’ils sont interdits de séjour en Ille-et-Vilaine par exemple, viennent ici faire leur trafic et vice-versa. Pour Ménimur, il y a, au grand maximum, huit à dix familles qui sont impliquées concrètement, qui vivent pleinement du trafic. Si déjà on en virait six d’ici, cela assainirait le paysage.

Quel âge ont-ils ? Les connaissez-vous personnellement ?
Je ne cherche pas à leur parler mais je les connais de visu. Les gens dans le parc, dans le deal, sont âgés entre 15 et 25 ans. Ça bosse entre 11 h jusqu’à 23 h environ. Ils se servent de mineurs comme guetteurs ou transporteurs. Et ce, peu importe que ces petites mains aient 8, 10 ou 12 ans…

On connaît leurs visages et ils font leur trafic aux yeux de tous depuis plusieurs mois ou années. Comment expliquer qu’ils arrivent encore à dealer tranquillement et à rentrer le soir chez eux comme si de rien n’était ?
Un flic m’a dit un jour, si on le voulait vraiment, en une semaine, tout serait nettoyé. Mais bon, l’ordre n’est pas tombé apparemment puisqu’ils sont toujours ici. Le problème, c’est qu’est-ce qu’on en fait après ? Je pense qu’ils ont trop peur que le trafic se déporte ailleurs et pourquoi pas dans le cœur de Vannes… Ils doivent considérer que c’est mieux de gérer la merde ici plutôt qu’en centre-ville.

Le Télégramme de Brest

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