Quelles que soient les causes structurelles, ce sont deux éléments ponctuels qui ont, selon le sociologue Pierre Merle, alimenté le sentiment d’injustice et déclenché la révolte des gilets jaunes : l’inéquité fiscale et l’inadéquation écologique
Une des revendications majeures des gilets jaunes porte sur les prix des carburants et, plus globalement, sur leur pouvoir d’achat. « On ne s’en sort plus » est le leitmotiv ordinaire. Dans quelle mesure cette protestation est-elle fondée ? La notion statistique de pouvoir d’achat utilisée par l’Insee est celle du pouvoir d’achat du revenu disponible brut (RDB). Il se définit comme la somme de tous les revenus d’activité et des revenus du patrimoine ainsi que des transferts aux ménages (prestations sociales), moins les impôts et autres prélèvements sociaux […].
Sur les dix dernières années, la politique de réduction du déficit public a principalement été assurée par une réduction du revenu disponible moyen des ménages […]. Les ménages qui appartiennent aux catégories populaires et à la « petite » classe moyenne (ouvriers, employés, retraités pauvres, artisans et petits commerçants), sont surreprésentés dans le mouvement des gilets jaunes. À l’inverse, les catégories moyennes aisées (du septième au neuvième décile) ont été affectées modérément par la baisse moyenne du revenu disponible des ménages […].
[…] l’ensemble des mesures prises par le gouvernement exerce en 2018 des effets le plus souvent négatifs sur le niveau de vie moyen des plus pauvres […]. L’effet négatif de la fiscalité écologique est particulièrement marqué […].À partir de 2018, les revenus de la rente sont donc moins imposés que ceux du travail.
Les gilets jaunes ne connaissent pas le détail des chiffres mais ils perçoivent la logique d’ensemble. Bien que simplificateur, un slogan tel que «le président des riches» constitue une synthèse globalement juste. Les gilets jaunes ont compris que la politique gouvernementale se fait en partie sans eux et contre eux…
[…] Comment un tel fossé a-t-il pu se construire entre le gouvernement et une large frange de citoyens ? Majoritairement issues des catégories bourgeoises hautement dotées en capital culturel et/ou économique, les élites dirigeantes ignorent largement le monde social, la spirale de la marginalisation, les processus de délitements des liens sociaux, la peur du déclassement et les fins de mois difficiles…