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[…] Des casques à ailettes, des sangliers à la broche, des menhirs et “un petit village qui résiste encore et toujours à l’envahisseur. Astérix et Obélix prennent 60 ans cette année, et avec eux les clichés qu’ils ont immanquablement véhiculés, au vu de leur popularité, en plus d’un demi-siècle d’existence. Pour fêter cet anniversaire, l’artbook du premier album, Astérix le Gaulois, sort ce jour en quantités limitées. Mais au juste, qui étaient les Gaulois ?

“Un sanglier par Toutatis” clame régulièrement Obélix dans la bande-dessinée de Goscinny et Uderzo. C’est sans doute une des images les plus ancrées, grâce à la BD mais aussi en raison d’une erreur archéologique : on a longtemps confondu les longues canines des restes de cochons d’élevage découvertes avec celles de sangliers. En bonne société structurée, les Gaulois pratiquaient en réalité l’élevage (bœuf, porc, mouton, chèvre mais aussi cheval) et l’agriculture (blé, orge, épeautre, lentilles, fèves, etc.).

Du côté des boissons, les chefs ne donnent pas à tous tant des gorgées d’hydromel, qui reste rare, que du vin. Les Gaulois en sont friands et font un commerce intensif: ils auraient ainsi importé chaque année entre 500.000 et 1 million d’amphores depuis l’Empire romain. En novembre 2014, dans Le Salon Noir, Fanette Laubenheimer, archéologue et directrice de recherche émérite au CNRS, rappelait que les Gaulois consommaient essentiellement de la bière et de la cervoise, le vin coûtant cher et restant un met de luxe :

D’une part quand Platon dit que les Gaulois sont des ivrognes, cette idée vient de la Grèce ou de l’Italie, parce qu’ils boivent leurs boissons pures. Ils ne sont pas plus ivrognes que les autres. […] Ils buvaient essentiellement dans des grands banquets électoraux, où le chef gaulois va réunir toute sa clientèle. On va boire du vin pour les plus privilégiés, et largement de la bière.

Des lances, des haches et des épées… mais pas le fameux casque à ailettes qu’Astérix arbore avec fierté. On a longtemps cru que les casques étaient décorés de la sorte en raison des protège-joues (“paragnathides”) retrouvés écrasés et oxydés par le temps, et qui ont été confondus avec des ornements ailés.

De la même façon, Abraracourcix, le chef du village gaulois, n’aurait jamais pu être juché sur un bouclier rond : non seulement parce que les boucliers des Gaulois étaient de grands boucliers de forme ovale, mais également parce que hisser un chef sur un bouclier est une tradition qui date des Francs, soit après la chute de l’Empire romain.

Celtes, Gaulois… Même combat ? La distinction est souvent difficile à faire. Si tous les Gaulois sont des Celtes, tous les Celtes ne sont pas des Gaulois.

Les Celtes sont un peuple indo-européen qui trouve ses origines vers 1 200 avant J.-C. au centre de l’Europe et dont la culture s’étend peu à peu à travers tout le continent, des îles Britanniques au détroit du Bosphore. Mais où se fait la distinction entre Celtes et Gaulois ? Invité en octobre 2009, de la Fabrique de l’Histoire, Christian Goudineau, professeur au Collège de France, et titulaire de la chaire d’Antiquités nationales, racontait la responsabilité de Jules César dans cette distinction, en – 58 :

Pourquoi identifier un ensemble qui s’appelle Gaule ? Qui va le faire ? C’est Jules César. Jules César va se conduire comme beaucoup de conquérants… Une fois une conquête achevée, quand il considère que c’est à peu près homogène, il dit voilà, ça, cela s’appelle la Gaule. D’ailleurs les géographes antiques, après César, vont être dans un embarras constant parce qu’ils ne savent plus eux-mêmes distinguer la Gaule, la Celtique ; ils vont faire des contorsions absolument épouvantables, parce que le dieu César a forcément raison, il a dit que cela s’arrêtait au Rhin, cela s’arrête au Rhin.

Alors, comment nommer ceux qui sont de l’autre côté du Rhin ? On ne sait pas trop. On va dire les Germains, un géographe comme Strabon dit : on les appelle Germains mais ils sont vraiment exactement, exactement comme ceux qui sont de l’autre côté. (…) Alors, il y a ça, puis il y a un deuxième phénomène, sur lequel on ne saurait trop insister, c’est qu’on a eu la conception que la Gaule était une espèce d’entité farouchement repliée sur elle-même, sans contact pratiquement avec l’extérieur, alors qu’à l’époque qui nous intéresse rien n’est plus faux.

Difficile donc, de prétendre que les “géants guerriers celtes” étaient les ancêtres des Français, ou en tout cas pas plus que partout ailleurs en Europe. En novembre 2014, dans l’émission Le Salon Noir, Jean-Louis Brunaux, directeur de recherche au CNRS, rappelait ainsi que le mythe des ancêtres gaulois était avant tout une construction :

C’est une histoire ancienne, qui remonte à la Renaissance. C’est une époque où on abandonne, surtout dans l’extrémité occidentale de l’Europe, la recherche généalogique basée sur l’héritage gréco-romain. On s’aperçoit qu’on n’est pas de taille pour rivaliser avec les Italiens et les Grecs et donc on recherche une autre origine, dans la Bible, et très vite à la Renaissance on s’appuiera sur les Celtes.

Le vent souffle sur les plaines de la Bretagne armoricaine et un petit village “résiste encore et toujours à l’envahisseur”. La BD Astérix a toujours donné à voir l’image d’un peuple isolé, à l’abri derrière ses palissades en bois dans un minuscule village perdu au milieu de nulle part. En réalité les Gaulois se regroupent dans des oppidums (ou “oppida”), c’est-à-dire des agglomérations fortifiées. A la veille de la guerre des Gaules, on parle même de “civilisation des oppida” pour désigner ce phénomène d’urbanisation, comme le rappelait Christian Goudineau dans La Fabrique de l’Histoire :

Au niveau supérieur de la hiérarchie, on découvre, pour cette époque-là, ce que dans notre jargon on appelle les oppida, parce que César emploie ce terme qui est un terme neutre qui veut dire les établissements, les agglomérations, les grandes agglomérations. Et là aussi, on s’aperçoit qu’il y en a beaucoup plus qu’on ne le pensait et surtout qu’ils témoignent d’une organisation politique et sociale tout à fait différente des schémas que l’on avait dans la tête. C’était un grand ouvrage de défense avec pour la Gaule centrale, disons, 100 à 150 hectares, quelques petits artisanats, où en cas de coup dur, les gens se réfugiaient, [avec] une place publique pour, peut-être, que l’on puisse tenir des assemblées…

Egalement invité de l’émission Concordance des temps en décembre 2015, Christian Goudineau, racontait la découverte puis la fouille de la cité de Bibracte, qui est la capitale, selon Jules César, “des plus anciens alliés de Rome”, et où il écrira ses commentaires sur la guerre des Gaules :

Depuis 20 ans, on a pu mettre au jour une partie importante d’une énorme agglomération, qui fait 220 hectares et qui n’est pas la seule en Gaule. […] Il y a une activité économique extraordinaire, des ateliers métallurgiques, des vestiges commerciaux innombrables, vous avez des maisons… Bibracte n’est qu’un maillon d’une chaîne. On s’est aperçu que ce type d’établissements avec des remparts, des artisanats, des lieux publics, se retrouvaient aussi bien en Autriche, en Tchéquie, en Hongrie. Il y avait un monde qui s’étendait depuis l’Atlantique jusqu’à l’équivalent de Budapest aujourd’hui qui n’était pas organisé en Etats mais comme une cent-cinquantaine de peuples, qui avaient eux-mêmes leur territoire et se gouvernaient. Chaque peuple pouvant avoir l’équivalent d’un ou deux départements.

En réalité la société gauloise est codifiée et organisée, entre le peuple, constitué des paysans, bergers et artisans, et les nobles, l’aristocratie guerrière et les druides, qui possèdent le savoir religieux. Loin d’être des maisonnettes perdues au milieu de la forêt, les oppidums sont liés ensemble par des routes et certains peuples gaulois sont les alliés de Rome, avec laquelle ils commercent. […]

France Culture

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