Fisc 2.0, la Direction générale des finances publiques (DGFiP) monte en gamme dans la traque fiscale. La DGFiP pense avoir une arme fatale : son logiciel d’intelligence artificielle capable de naviguer, fouiller, trier dans une gigabase de données pour en extraire des profils suspects. Un projet industriel d’ampleur: 20 millions d’euros de budget ont été débloqués en cinq ans pour moderniser l’informatique et développer cet outil. Le logiciel a été conçu par une cellule de data mining baptisée Mission requêtes et valorisation (MRV), composée de 22 informaticiens de haut vol. L’équipe a commencé dès 2015 par réunir les fichiers concernant 5 millions d’entreprises imposables, jusqu’alors accessibles sur des applications disparates, puis à y ajouter des données publiques disponibles (dépôt de brevets et marques, registre du commerce…). En 2017, les infos des 37 millions de foyers contribuables y ont été agrégées (fiscales, bancaires, épargne, immobilier, données Urssaf, CAF, Sécurité sociale…). Et, depuis un an, les algorithmes sont au travail. […]
Et les superpouvoirs du logiciel de la MRV vont être décuplés par l’afflux de données de l’étranger. Depuis un an, après les Etats-Unis, ce sont 49 pays (dont ceux de l’Union européenne) qui pratiquent l’échange automatique d’informations sur les comptes de leurs citoyens, et 53 de plus depuis le début de l’année (Suisse, Panama…). De même, les entreprises de plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires sont désormais contraintes de transmettre au fisc un reporting par pays de leur activité, effectifs, bénéfice et impôt acquitté. “Nous avons pris le temps de fiabiliser ces infos mais nous commençons à les intégrer et leur exploitation ouvre de nouvelles perspectives“, dit en souriant le boss des geeks de la DGFiP. L’objectif: déclencher 50 % des contrôles à partir des propositions de la MRV d’ici à 2022, contre 15 % aujourd’hui. Avec l’espoir de réduire de 25 % les contrôles sans redressement.
Le prochain défi de ces limiers numériques : l’espionnage automatisé des réseaux sociaux. Les contrôleurs consultent déjà couramment les comptes Facebook, Instagram ou Twitter des potentiels tricheurs, à l’affût d’infos sur leur train de vie ou leur domiciliation réelle. Des redressements d’entreprises ont été notifiés sur la base de CV de cadres dirigeants sur LinkedIn habitant à Paris alors que la société prétendait ne pas avoir d’établissement en France. Et des inspecteurs entreprenants à Marmande (Lot-et-Garonne) ont même repéré des centaines de piscines de particuliers non déclarés pour la taxe foncière, grâce aux vues aériennes de Google Maps ! […]