CHRONIQUE – Le sociologue Danny Trom publie un essai troublant sur la fin du judaïsme européen. Selon lui, l’antisémitisme musulman ne serait que l’un des aspects du problème. Mais Israël est-il vraiment la solution?
Danny Trom a une petite barbiche pointue, et un certain sens de la provocation. Le titre de son livre imagine avec aplomb: La France sans les Juifs. «Je me suis inspiré de la phrase de Manuel Valls un an après l’attentat de novembre 2015 contre l’Hyper Cacher: “Sans les Juifs, la France ne serait plus la France”.» Trom pense que Valls a raison – et il avait raison. Et pourtant, l’auteur de ce livre fait comme si tout était déjà plié. Certes, il y a les faits, déjà bien documentés, sur ce mouvement d’émigration qui a surtout pris de l’ampleur depuis 2006, après l’assassinat d’Ilan Halimi. Sur les 470.000 Juifs qui sont en France, déjà plus de 20.000 sont partis en Israël, au Canada ou ailleurs. Pourtant, certains sont revenus. «Ces abandons ne doivent pas nous faire minimiser ce qui se passe, le choix de partir prévaut de plus en plus, même si le résultat est décevant», maintient Danny Trom, qui est chargé de recherches à l’École des hautes études en sciences sociales. On en connaît les raisons.
(…) Mais selon Trom, outre la montée de l’islam radical en France, il y a une autre raison qui pousse les Juifs à partir. “Elle ne vient pas de l’Islam mais de la nouvelle éthique pénitentielle qui règne en Europe. Une philosophie de la victimisation, basée sur le rejet des frontières, l’idéologie inclusive de l’acceptation inconditionnelle. Face à cet irénisme stupide, l’Etat d’Israël, qui humilierait les Palestiniens, ne peut que paraître obscène et archaïque. L’Européen est devenu cosmopolite et pacifiste, l’Israélien est devenu un nationaliste désinhibé.“