Certains voudraient qu’il soit le premier musicien à entrer au Panthéon. Fondateur de l’orchestre tel qu’on le connaît aujourd’hui, génie de la musique, Hector Berlioz (1803-1869) est fêté plus que jamais, 150 ans après sa mort.
Le révolutionnaire
“C’est incontestablement le plus grand révolutionnaire de l’orchestre”, explique à l’AFP Bruno Messina, directeur du festival annuel de Berlioz organisé dans son village natal de la Côte-Saint-André, au sud-ouest de Lyon.
Avant Berlioz, les instruments à cordes étaient rois et l’apanage de musiciens issus de milieux bourgeois. Les instruments à vent, comme les trombones ou les hautbois, étaient très en retrait et joués souvent par des artistes de milieux populaires.
Il invente ce qu’on appelle “la mélodie française”, en mettant en musique la poésie de son pays, comme “Les Nuits d’été”, composée sur des vers de Théophile Gautier. Mais Berlioz est surtout connu pour sa musique grandiose, comme son “Requiem” ou “Les Troyens”, dont l’Opéra de Paris vient de présenter une nouvelle production.
“C’est un peu comme le ‘home cinema'”, souligne M. Messina. Pionnier de la quadriphonie, il met des orchestres autour de la salle pour amplifier l’effet sonore, écrit des pièces pour 1000 musiciens et a parfois besoin de chefs d’orchestre en relais.
Les festivals de musique, c’est à lui que nous les devons. A l’époque “les journalistes se sont moqués de lui en demandant ‘Qui va s’intéresser à des concerts plusieurs jours de suite?'”, précise le musicologue. (…)
L’autodidacte
“Il n’était pas issu d’un milieu musical”, mais de la campagne, “ce qui est rare”, rappelle M. Messina. Le compositeur portera cela comme un complexe de classe. Il ne va pas à l’école mais est éduqué par son père médecin, Louis Berlioz – l’introducteur de l’acupuncture en France.
Ses détracteurs lui reprocheront d’être arrivé très tard au Conservatoire, à 22 ans. “On disait de ses audaces que c’était des fautes. Et on lui reprochait d’être le seul grand compositeur romantique de son temps qui n’était pas pianiste”, mais guitariste, précise son biographe.
Renaissance
La France a probablement été le dernier pays à apprécier son génie. “Il y a eu de grands moments d’oubli. La minorité qui a toujours adoré Berlioz en France n’avait pas le pouvoir”, indique M. Messina.
Henri Duponchel, un directeur de l’Opéra de Paris, “me regardait comme une espèce de fou dont la musique n’était et ne pouvait être qu’un tissu d’extravagances”, écrivait Berlioz dans ses Mémoires.
On lui préférait des compositeurs qui garantissaient un remplissage des salles et lui reprochait de bouleverser l’harmonie et la forme même de l’opéra.
Le public à l’époque avait du mal à comprendre par exemple son opéra “Benvenuto Cellini” qui “ne traite pas d’une grande histoire d’amour, mais des états d’âme d’un sculpteur face à son œuvre”, selon M. Messina. L’Opéra a même refusé de son vivant de jouer “Les Troyens” dans son intégralité.
Ce n’est qu’à la fin du XXe siècle puis lors du bicentenaire de sa naissance, en 2003, qu’il y eut un réveil des Français à l’égard de ce monstre sacré.
Un vrai Européen
A l’époque où il était un peu boudé en France, d’autres pays le portent en triomphe. “On le voit de Londres à Moscou. Il est la véritable démonstration d’une Europe culturelle”, indique M. Messina. “Les Anglais se sont approprié Berlioz comme un compositeur national et l’ont défendu mieux que les Français”.
Les Russes, Moussorgski, Rimski-Korsakov, Borodine et même Tchaïkovsky, lui vouent une grande admiration. “Alors que les Russes étaient musicalement écrasés par la Prusse et l’Italie, il devient leur modèle en terme d’orchestration”, rappelle M. Messina.