A l’occasion de la sortie de son livre “L’Archipel français”, publié aux éditions du Seuil, Jérôme Fourquet analyste politique et directeur du département Opinion à l’IFOP revient pour Atlantico sur la dislocation de la société française.
Un des enseignements majeurs qui nous est apparu à la fin de notre travail est que la société française, et c’est aussi une des mutations majeures qu’elle a connu, est de facto devenue une société multiculturelle. Cette nature composite ou hétérogène ne va que se renforcer au fil du temps.
[…] Les catholiques en eux-mêmes ne vont pas disparaître, mais ils ne constitueront plus qu’une île de cet archipel français alors même que pendant des siècles et des siècles, et jusqu’aux dernières décennies, le catholicisme était quand même un élément fondateur et structurant et assurant l’armature psychologique, culturelle et sociologique du pays. […] C’est tout cet équilibre qui est en train de vaciller.Nous nous acheminons peut-être vers la sortie de crise, avec un ancien monde qui fait encore de la résistance et un nouveau monde qui n’est pas encore stabilisé. Mais ce dont on peut être un peu certain, c’est que nous ne reviendrons pas à l’ancien monde. Dans 3 ans, je ne vois pas une finale entre le candidat de droite et le candidat PS.
A l’autre extrémité du spectre sociologique, on a ce que l’on peut appeler l’île mondialisée, c’est à dire qui est composée par les strates de la population les plus éduquées qui dans leur majorité résident dans le coeur des grandes métropoles connectées à la mondialisation, ce qui a aussi été décrit par Christophe Guilluy. Nous sommes allés plus loin en montrant que ces populations sont également dans un processus d’individualisation et de sécession. Elles se replient sur elles-mêmes et peuvent vivre en autarcie, elles ont leurs propres codes, leur propre écosystème, leurs lieux de villégiature. Le problème est qu’historiquement, les élites ont quand même vocation à piloter l’ensemble de la société. Un pilotage qui devient de plus en plus compliqué à partir du moment où ces élites ne sont plus vraiment, pour une partie d’entre elles, en capacité d’être en contact avec les réalités profondes du reste de la société. [….]
Cette situation nouvelle a été très claire dans la crise des Gilets Jaunes. [….] On voyait que sur un certain nombre de constats basiques, il n’y avait plus de capacité à s’entendre. [….]