Après plusieurs années d’audiences correctionnelles, on pensait avoir tout entendu. Notamment sur les histoires de violences conjugales. À Nantes comme ailleurs, les bureaux des magistrats dégueulent de ce genre d’affaires. Et puis Cindy* est arrivée, comme un coup de latte dans la routine du chroniqueur judiciaire. La première rencontre, c’était le mardi 27 mars 2018. En dépit des 30 jours d’interruption totale de travail, elle avait fait le déplacement jusqu’au palais de justice de Nantes. Le bras en écharpe et les yeux au beurre noir, l’adolescente chétive était venue s’asseoir sur le banc de la partie civile. Muette. Elle a entendu les tentatives de justifications brouillonnes de la procureure. Cindy venait de subir les pires atrocités de la part de son copain, mais le parquet avait décidé de le juger en comparution immédiate, entre un voleur de téléphone et un conducteur alcoolisé. Un choix absurde rapidement balayé par le tribunal qui renvoya l’affaire en ordonnant l’ouverture d’une information judiciaire. La requalification des faits de violences volontaires en actes de torture se posant, un juge devait étudier le dossier à la loupe. Cindy n’avait évidemment rien compris, pas plus que son compagnon que les policiers raccompagnaient en prison en attendant que la justice fasse son travail. Le dénouement de cette sombre histoire a eu lieu le 18 février au tribunal correctionnel de Nantes.
Le couple s’était rencontré dix mois auparavant et vivait ensemble depuis février. Originaire d’une petite commune de Loire-Atlantique, tout juste majeure, Cindy préparait à l’époque un CAP petite enfance. Elle avait quitté le domicile familial pour s’installer dans un appartement à Saint-Herblain, commune limitrophe de Nantes. Ali, né en 1994, avait lui grandi en Tunisie. Enfance heureuse puis adolescence houleuse au sein d’une famille nombreuse. En 2013, il avait rejoint la France et trois cousins installés à Nantes. En situation irrégulière, il avait partagé un temps la vie d’une femme. Sans job, il s’était fait serrer et condamner en 2016 pour de la revente de shit. (….)
(Merci au dernier juge)