« Vous avez encore niqué mon permis, vous avez tué mon appartement. La tête de ma grand-mère, vous allez les payer les 12 mois ! Et toi la procureur de mes couilles… » Il file un grand coup de pied dans une chaise posée dans le box. Le public sursaute. La forme de violence inhérente à ce qu’est un jugement n’est supportable que dès l’instant où le cadre est respecté, mais Mohamed X vient de tout faire péter. Les magistrats font acter ses propos.
Ce jeune homme est né dans le Val d’Oise en 1997. Il perçoit l’allocation adulte handicapé à cause de séquelles d’une bagarre. Il a ouvert son casier en 2013 pour des faits de violences, menaces de mort, menaces de crimes, à partir de 2017 il accumule les délits routiers et c’est encore ce qui vient de le planter. 14 condamnations en tout. Alors qu’il purgeait sa dernière peine, le travail d’insertion se fait, et Mohamed semble accrocher. Le juge d’application des peines fait alors droit à sa demande de semi liberté. Chaque matin le condamné sort du centre pénitentiaire et y retourne pour 18h30.
Il trouve un logement pour sa sortie et prospecte les formations possibles pour un jour travailler. Or le 13 mars, une patrouille contrôle une Ford qui n’a pas respecté un stop. Le conducteur dit s’appeler Karim X. Toutes les vérifications dans différents fichiers confirment aux policiers ce qu’ils subodoraient déjà : Karim X a son permis, Mohamed X ne l’a pas, la voiture en revanche lui appartient et elle n’est pas assurée. Le prévenu explique l’usurpation d’identité par « la peur », usurpation qu’il savait de toute façon vouée à l’échec et il n’a jamais eu l’intention de porter préjudice à son frère, le seul membre de sa famille à être venu le voir au centre pénitentiaire.
Sur le reste, la présidente Caporali doit le contrer pied à pied à chaque fois qu’il justifie son acte -prendre le volant alors qu’il n’a pas son permis de conduire -. Autant dire qu’elle le contre tout le temps car il discute abondamment. Il commence la plupart de ses phrases par « sérieusement, madame », et quelquefois il ajoute « je vous mens pas ». Il répète aussi que « les condamnations lui avaient enlevé toute motivation » : « A force d’être incarcéré, je perds toute motivation, mais là j’avais trouvé un appartement, une formation et j’allais au code tous les jours. »
Le tribunal doit donc juger un jeune homme qui, grâce à un CPIP, une éducatrice, un juge d’application des peines, s’en sortait, enfin, et qui va (14 jugements lui ont permis d’intégrer quelque chose de la logique pénale, à défaut d’intégrer le sens de la loi) donc perdre à nouveau sa liberté,alors qu’il a fait quoi ? Trois fois rien ! Il a pris le volant parce que l’ami qui l’avait amené de Varennes s’était fumé un joint, qu’il conduisait alors sous l’empire de stupéfiants et que Mohamed s’est dit qu’ils n’allaient pas risquer l’accident à cause de ça. Il est en état de récidive légale ce qui double le quantum de la peine encourue. (…)