Au Mali, ceux que l’on appelle les djihadistes sont parfois des groupes d’autodéfense ou des milices qui ont peu à voir avec la religion. Ils se présentent comme les défenseurs des communautés locales, Peuls et Dozos, et visent en priorité les civils. Une situation complexe dont savent profiter les «vrais» djihadistes.
Dans le centre du centre du Mali, le terme djihadiste est devenu synonyme de « peul armé ». C’est du moins ce qui apparaît nettement dans les accusations émises par les communautés subissant des attaques quotidiennes dans cette région. Bien que les mouvements d’autodéfense peuls ne cessent de proclamer qu’ils se battent pour la protection et la survie des leurs, et non pas pour des idéaux religieux, des doutes persistent quant au soutien dont ils bénéficient en terme d’équipements et de formation.
De même, les groupes armés non-Peuls, organisés en milices, sont assimilés par la population peule (et par les médias) aux «Dozos» (dont le nom est parfois prononcé «Donzo», «Donso» ou «Doso»). Rappelons que les Dozos sont des confréries traditionnelles de chasseurs possédant des connaissances approfondies de la pharmacopée et des espèces animales. Ils sont redoutés pour leurs pouvoirs mystiques.
Des faux djihadistes en quête de soutiens
Dans cette zone géographique, le royaume théocratique du Macina a émergé au début du XIXe siècle sous le commandement de Sékou Amadou Barry. Les Peuls y ont exercé une forme d’hégémonie ethno-religieuse dans les régions actuelles de Ségou, Mopti et Tombouctou (Mali) au début du XIXe siècle à son milieu. Localement, ces communautés sont souvent présentées comme étant les champions de l’islam : le djihadisme a en effet été un facteur primordial dans l’installation des Peuls à travers l’Afrique de l’Ouest, principalement durant les XVIIe et XIXe siècles. Ainsi, il est généralement admis par leurs voisins que les Peuls sont des héritiers de la tradition djihadiste.
Les djihadistes ont su exploiter cette idée à leur profit. À partir de janvier 2015, les attaques se multiplient dans cette zone qui retenait jusqu’alors peu l’attention des observateurs. Un nouveau mouvement fondamentaliste islamiste armé, le Front de Libération du Macina (FLM), annonce alors sa volonté d’instaurer la loi islamique, la charia, au centre du Mali, se réclamant de cet ancien royaume théocratique.
En avril 2015, le FLM attaque les mausolées des héros du djihad du XIXe siècle, mettant en cause ce qu’ils dénoncent comme un culte impie des ancêtres. Le leader du FLM, Amadou Kouffa, assure, dans des prêches devenus viraux, que si Sékou Amadou Barry était vivant, il aurait condamné le culte dont il fait l’objet… Cet épisode a convaincu les élites locales – religieuses ou non, descendantes des Barry ou ayant été associées à leur règne – qu’elles ne pouvaient pas se reconnaître en des groupes armés aux mœurs et aux messages étrangers à leur tradition.
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