Le philosophe Edgar Morin qui s’intéresse notamment aux rumeurs, s’inquiète de leur diffusion, facilitée aujourd’hui par le contexte social et par l’émergence d’Internet.
Comment expliquez-vous cette rumeur des Roms kidnappeurs d’enfants ?
Cela ranime des choses qui sont inscrites dans les croyances et dans les préjugés, à savoir que les Roms sont des voleurs. S’ils volent des poules, on se dit qu’ils volent aussi des enfants. Il y a ce stigmate antérieur dans l’inconscient collectif et qui rend l’esprit plus réceptif. Quand, en plus, la rumeur concerne nos propres enfants, ça peut conduire à des actes terribles. Car croire que nos enfants sont morts, ça nous rend dingues. […]
Pour quelles autres raisons ce genre de rumeurs prospère-t-il autant aujourd’hui ?
Il y a toujours eu des angoisses dans le corps social. Mais nous sommes dans une période particulièrement tourmentée et angoissée, et nous vivons un moment très malsain. Évidemment, c’est dû notamment aux attentats de Daech et à la montée du racisme contre les Arabes. Aujourd’hui, ce qu’on appelle la montée du populisme, ce sont en réalité des gens qui ne croient plus à la démocratie, qui sont inquiets pour l’Europe, et qui ne savent pas ce que va être le futur. Ils sont inquiets à la perspective de vivre des catastrophes, par exemple écologiques. Tout cela fermente à l’intérieur des esprits, qui deviennent plus crédules. […]