Discriminé depuis l’esclavage, le cheveu afro est, encore aujourd’hui, méconnu des coiffeurs et dévalorisé. Pourtant, dans une société de plus en plus métissée, les besoins se font ressentir et les coups de gueule se multiplient.
“Ce n’est pas normal. Ce ne sera jamais normal. Cela doit changer.” Le 7 mars dernier, la mannequin Olivia Anakwe publiait sur son compte Instagram une vidéo d’elle accompagnée d’un texte dénonçant les discriminations à l’encontre des mannequins de couleur dans le monde de la mode. Un “racisme inconscient” comme le nomme Rokhaya Diallo, journaliste et co-auteure d’Afro! (éd. Les Arènes), qui persiste de manière générale dans l’ensemble de la société, et plus particulièrement en France.
[…] Marie Fofana, une mannequin de l’agence IMG Models, nous explique avoir vécu des situations similaires et ce, de manière récurrente : “Un jour, lors d’un shoot, j’ai été contrainte de me faire des tresses pendant ma pause dej’ car la maquilleuse-coiffeuse ne savait pas les faire.” Aujourd’hui, après plusieurs années passés dans le milieu, elle semble résignée : “En général, quand j’arrive en backstage, je me dirige d’abord vers les maquilleurs car je n’ai pas envie de me confronter directement à une personne qui ne saura pas s’occuper de mes cheveux.” […]
Bien qu’une prise de conscience se soit développée ces dernières années, le cheveu afro a longtemps été méprisé et maltraité. En France, la situation semble toujours problématique. Bien que le nombre de personnes afro-descendantes augmente, les besoins de ces dernières en termes de coiffure et d’esthétique ne sont toujours pas pris en compte, ou très peu.
Aline Tacite, cofondatrice du studio Boucles d’Ebene, consacré à l’esthétique du cheveu afro et à la beauté noire, explique que, dans l’inconscient collectif, les cheveux frisés ou crépus sont perçus comme “une matière qui n’est pas malléable et pas jolie”. Elle qui a étudié la coiffure en Angleterre et en France, constate une différence de mentalité entre les deux pays : “En France, que ce soit à l’école ou dans les salons, je me suis vite rendue compte que le cheveu était qualifié de pourri à partir du moment où il n’était pas totalement lisse et brillant.” […]
Alors, pendant de nombreuses années, les besoins liés à la nature des cheveux crépus ou frisés ont été totalement ignorés. Jusqu’à peu, une grande majorité de femmes aux cheveux afro pratiquaient le défrisage, une technique qui provoque des brûlures du cuir chevelu et des chutes de cheveux importantes. […]
Une solution alternative qui met en évidence la lenteur du système français. Pour Rokhaya Diallo, le fait qu’aucune formation aux cheveux afro ne soit mise en place par le ministère de l’Education est la preuve que “l’Etat, par une forme de racisme inconscient, ignore l’existence de toute une partie de la population”. Elle déplore “un manque de volonté politique et d’intérêt pour ces questions qui peuvent sembler secondaires alors qu’elles empoisonnent la vie de nombreuses personnes.”
Un constat d’autant plus frappant lorsqu’on compare la situation de la France à celle du Royaume-Uni et des Etats-Unis, où des formations aux cheveux afro sont ouvertes depuis plusieurs années. Aline Tacite explique : “Pour avoir vécu dans des pays anglophones, je peux vous assurer que là-bas, la différence est considérée comme un atout. Le fait de vivre en communauté ne vous ferme pas forcément à l’autre alors qu’en France, cela est considéré comme un crime.” Il est donc temps que les choses évoluent, et vite.
(merci à dame Marcelle)