Le Conseil d’État vient d’annuler la censure du film «Salafistes», estimant que ce documentaire consacré au jihadisme était «nécessaire pour provoquer un débat utile et lutter contre la propagande sur internet». La réaction de François Margolin, producteur et réalisateur du film.
François Margolin est réalisateur, producteur et scénariste. Il a réalisé le film Salafistes.
FIGAROVOX.- Il y a deux ans et demi, votre film Salafistes avait été interdit au moins de dix-huit ans en France, ce qui avait condamné sa carrière en salle et à la télé. Le Conseil d’État vient de casser cette décision. Vous attendiez cette décision depuis longtemps…
François MARGOLIN.- Oui, et cela n’a pas été sans mal: cinq juridictions différentes, des avocats obligés de travailler durant des mois, une attente de plus d’un an devant le Conseil d’État, tout cela à cause de la bêtise et de la bien pensance en cours. C’est terrible! Mais, en même temps, il y a ce sentiment très agréable que, dans une vraie démocratie comme la France, on peut finir par obtenir justice. Même s’il faut attendre très longtemps et s’user pour cela.
Au-delà de votre victoire personnelle et de celle de l’équipe du film, est-ce une victoire pour la liberté d’expression?
C’est une victoire pour la liberté d’expression, pour le droit à l’information et pour la liberté, en général. J’espère que cette décision fera jurisprudence, et qu’elle permettra aux ministres actuels et futurs de ne pas faire les mêmes erreurs que leurs prédécesseurs. Qu’elle les poussera à ne pas interdire un documentaire comme on le faisait à l’époque où il existait un ministère de l’Information qui régentait tout. Comme dans une république bananière. Comme en Union Soviétique. Il ne faut pas oublier que Salafistes est le premier documentaire pour le cinéma à avoir été interdit depuis la Guerre d’Algérie, depuis 1962! Je suis allé présenter le film aux Etats Unis il y a deux mois, et on peut dire ce que l’on veut sur ce pays mais une chose est sûre: la liberté d’expression -j’allais dire d’opinion- est garantie par le 1er Amendement de la Constitution, et c’est vraiment plaisant. J’avoue que c’est aussi une victoire sur tous ceux qui adorent lutter contre la censure quand elle a lieu en Iran ou en Chine mais qui s’en moque quand cela se passe dans leur propre pays, sous leurs yeux…