Le politologue Laurent Bouvet revient sur la conférence d’Alain Finkielkraut à Sciences Po perturbée par un collectif de la gauche activiste radicale.
Peut-on encore débattre sereinement de tous les sujets ?
Assurément, non. Qu’il y ait des groupes de pression, d’intérêt, des lobbies… et des lobbyistes qui défendent leurs points de vue ou leurs idées, c’est tout à fait normal. Nous sommes dans une société libre, ouverte et démocratique : il est même normal qu’on puisse y défendre toutes sortes de choses, même celles qui paraissent les plus scandaleuses. Mais ce n’est pas une raison pour autant pour succomber devant la moindre pression exercée dans le débat public par tel ou tel groupe qui profite de la démocratie et du pluralisme pour faire régner, intellectuellement, la terreur au nom d’une vérité qu’il prétend être le seul à détenir. C’est tout l’enjeu du radicalisme religieux bien évidemment. On peut être pluraliste sans être lâche. […]
La question de principe est pourtant simple en l’espèce : quand une minorité dicte la norme commune, c’est qu’il est déjà trop tard pour la démocratie. C’est aux minorités de s’adapter au commun, de respecter les règles communes. Si le fait de fêter les victoires au champagne ne convient pas à tel ou tel, pour quelque raison que ce soit, c’est à lui de s’adapter. Tocqueville considérait que la démocratie présentait un risque de tyrannie de la majorité. Aujourd’hui, le risque, c’est une tyrannie des minorités. Or, la démocratie, c’est le combat contre la tyrannie, d’où qu’elle vienne. […]
Les représentants autoproclamés des minorités qui veulent interdire, bloquer, empêcher, etc., tout débat démocratique ou même toute critique à l’égard de leur attitude sont groupusculaires. Mais ils font du bruit, car ils ne font que ça, c’est leur principale et quasi unique activité. Ce sont des militants, des activistes à plein temps, quelle que soit leur vitrine professionnelle : journalistes, chercheurs, responsables politiques, syndicaux, associatifs… Le véritable souci, c’est qu’ils disposent de relais et de chambres d’écho partout : dans certains médias, dans le milieu universitaire, au sein de l’administration, dans des collectivités territoriales… Ces relais participent à la diffusion de leurs idées par complaisance, par ignorance, par lâcheté, ou tout simplement par cynisme. Il y a en la matière aussi bien d’authentiques idiots utiles que de véritables collaborateurs très conscients de ce qu’ils font. […]