Des épargnants en quête de placements rentables et qui perdent l’argent de toute une vie. Une criminalité organisée à partir d’Israël particulièrement habile, l’une des escroqueries les plus juteuses de l’ère internet. On parle de millions d’euros siphonnés chaque année au niveau national.
“Les escroqueries financières reposent sur un mode opératoire que l’on connaît maintenant parfaitement bien, et qui repose sur trois étapes très précises”, analyse le colonel Florian Manet, commandant de la section de recherches de la gendarmerie de Bretagne, en pointe sur ces sujets :
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- La constitution d’un fichier client : Pour obtenir des noms et repérer des investisseurs potentiels, il leur faut un appât. « Ils vont créer des sites internet, sur lesquels on vous promet 20 %, 40 % d’intérêts… alors vous demandez à en savoir davantage et vous laissez une adresse mail ».
- L’escroquerie : Une fois le client ciblé, il reçoit un coup de fil, via des call-centers. « Ils sont situés dans deux ou trois villes en Israël. Avec, en arrière-plan, des franco israéliens à la manœuvre. Ils louent des numéros de téléphone en 09 ou en 02, par exemple, pour jouer la carte de la proximité et gagner la confiance des gens. C’est une véritable emprise psychologique qui se met en place », avec ce mélange de confiance absolue et de pression permanente.
- Le blanchiment : L’argent est pris en charge par une filière de blanchiment. « Il peut transiter par la Chine. Les fonds sont ensuite réinvestis dans l’immobilier, à Paris, sur la Côte d’Azur ou ailleurs.
Ce hold-up permanent enrichit une criminalité très organisée.
Quatre bénévoles. Plus de 150 enquêtes. En ce mois d’avril 2019, la petite association des consommateurs de France (ADCF), basée à Nancy, inaugure son tout nouveau site internet. L’occasion de rendre visible un travail titanesque et unique en son genre. La petite structure est la seule à s’être ainsi spécialisée dans les arnaques en ligne et les escroqueries financières. (…)
L’association a développé une documentation sans concurrence sur l’évolution ultrarapide des escroqueries en ligne (…) « On part des mêmes bases que pour l’escroquerie à la taxe carbone. En 2016 on a vu apparaître le diamant : les escrocs proposaient aux gens d’en acheter pour faire des bénéfices records. En juillet 2017, c’était le boom des cryptomonnaies et du bitcoin. L’escroquerie était la même, c’est juste le produit d’appel qui changeait. (…) En mai juin 2018, le bitcoin s’est cassé la figure, alors ils ont décidé de se diversifier ».
Conséquence : les offres se multiplient dans tous les domaines. Et il n’y a pas de limites pour attirer les victimes : vin, forêts, vaches laitières et joueurs de foot, ou encore cannabis, très à la mode. « Ici, on vous promet 316,92 % de rendement si vous achetez des pieds d’herbe », s’amuse-t-il. (…)
Qui sont les “loups de Tel-Aviv” ?
Le Télégramme : Vous travaillez pour un journal israélien, The Times of Israël, qui se trouve au premier plan des investigations sur les escroqueries en ligne. Comment avez-vous commencé à enquêter sur ce domaine sensible de l’économie criminelle ?
Simona Weinglass (The Times of Israël) : « Nous avons reçu un tuyau d’une personne travaillant dans le domaine… Étant donné que ces escroqueries existent depuis une dizaine d’années et sont soupçonnées d’employer plus de 10 000 personnes (…)
Quel est le profil des criminels impliqués dans cette arnaque économique/commerciale ? Ceux que votre journal a nommés les « loups de Tel Aviv ? »
(…) Beaucoup de jeunes vont travailler pour ces entreprises parce (…) que c’est de loin l’emploi le mieux rémunéré qu’ils trouvent. Beaucoup sont de nouveaux immigrants avec un hébreu médiocre et cet emploi ne nécessite pas un bon hébreu, mais seulement la maîtrise de leur langue maternelle et de bonnes compétences en vente. (…)
« En ce qui concerne les propriétaires ultimes de ces entreprises, il y a probablement dix à 20 personnes qui dirigent l’ensemble du secteur. Probablement des barons du crime liés aux oligarques de l’ex-Union soviétique. Vous voyez également des Israéliens présents dans les industries du diamant et de la défense. Certains des Français impliqués dans ce secteur sont impliqués dans d’autres escroqueries, telles que la TVA sur le carbone, l’escroquerie du PDG, etc. Certains ont décidé qu’il serait plus avantageux d’immigrer en Israël et de réaliser leurs arnaques à partir d’ici – et ils avaient raison parce que l’application de la loi israélienne les laisse généralement tranquille. J’estime qu’il y a quelques centaines de criminels de carrière français qui exploitent ces escroqueries et quelques milliers d’autres qui travaillent pour eux ».
Dossier complet : Le télégramme
Article source (en anglais) : Times of Israël