Eric Kaufmann, politologue : « Sous l’effet de l’immigration, la majorité blanche sera progressivement remplacée par une majorité de minorités. »
Pour lutter contre la droite populiste, le politologue canadien Eric Kaufmann propose de céder à ce que réclament ses partisans : moins d’immigration.
Eric Kaufmann, un Canadien qui enseigne la politique à l’Université de Londres, n’est pas du genre à éviter les sujets délicats. « Nous devons parler d’identité blanche », écrit-il dès la première ligne de Whiteshift, une brique de 500 pages qui aborde sans détour les thèmes de l’immigration, du populisme et, bien entendu, de l’identité blanche.
Dans ce cas, comment expliquez-vous la montée du populisme que nous observons en Occident ?
Nous vivons une période rapide et intense de changement ethnique. Les projections démographiques montrent que, sous l’effet de l’immigration, des mariages mixtes et de la natalité, la majorité blanche sera progressivement remplacée par une « majorité de minorités ». Or, à mesure que la majorité blanche décline, elle prend conscience de la précarité de sa position et devient plus défensive. Aux États-Unis, 75 % des électeurs blancs de Trump réclament moins d’immigration. Chez les partisans du Brexit, c’est 90 %. Et dans un sondage, tous les sympathisants — 100 % ! — du parti populiste AFD [principale opposition en Allemagne] étaient en accord avec l’affirmation « l’Allemagne perd sa culture ». Ce n’est pas l’économie qui motive le vote, mais les valeurs culturelles et identitaires
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Vous affirmez qu’il est légitime d’avoir un sentiment d’appartenance à la majorité blanche. Que voulez-vous dire exactement ?
Je ne parle pas de la race, qui est une catégorie basée sur l’apparence physique, mais du groupe ethnique. Par exemple, les Blancs américains sont issus de différents groupes européens qui se sont mélangés pour former la majorité actuelle. Avoir un sentiment d’attachement modéré à son identité blanche est légitime, comme il est légitime d’être attaché à son identité noire ou chinoise. Évidemment, les Blancs ont un passé : l’esclavagisme, le colonialisme… Des gestes atroces ont été commis et il faut en reconnaître la responsabilité. Mais affirmer, comme certains activistes le font, que l’identité blanche est contaminée et qu’il est honteux de s’y reconnaître, c’est complètement névrosé ! De tels commentaires suscitent, une fois de plus, du ressentiment chez une partie de la population, et cela joue un rôle dans l’élection des populistes.
On peut être fier d’être blanc, on peut réduire l’immigration… De telles idées ne risquent-elles pas de légitimer le discours de la droite populiste ?
Bien au contraire. Si nous ne parlons pas de ces sujets, quelqu’un d’autre le fera et ce sera la droite populiste. Mieux vaut avoir une discussion calme et raisonnable que de leur laisser toute la place. Mon livre n’est d’ailleurs pas apprécié par l’extrême droite, qui voit la « majorité de minorités » dont j’annonce la venue comme un « génocide blanc ».
Êtes-vous optimiste ou pessimiste quant à notre capacité de discuter calmement d’immigration et d’identité blanche ?
Dans l’état actuel des choses, où la gauche continue de stigmatiser la majorité blanche et les conservateurs culturels avec sa large définition du racisme, je m’attends à ce que le problème empire. Il faut que la gauche devienne plus modérée, mais il y a une résistance énorme parmi les activistes.