Malgré leurs révoltes contre Bruxelles, les pays postcommunistes membres de l’UE chérissent l’Europe et relativisent ses drames. Il faut les écouter, préconise dans sa chronique Sylvie Kauffmann, éditorialiste au « Monde ».
Chronique. Il faut écouter nos amis européens de l’Est. Il faut les écouter parce que, s’ils sont aussi européens que nous, leur expérience de l’Europe est différente. Ils n’ont rejoint l’Union européenne (UE) qu’au début de ce siècle, après avoir passé la majeure partie du XXe siècle asservis. Leur histoire n’est pas la même. Et forcément, leur perception non plus.
Au sein de cette UE qu’ils ont tardivement intégrée, leurs rébellions nous ont surpris. Jamais contents ! Ce sont un peu les « gilets jaunes » de l’Europe, finalement. Quoi ? Bruxelles leur verse des milliards en fonds structurels, et ils se révoltent ?
Pas de salut hors de l’UE
Certaines de leurs voix portent plus que d’autres : ces temps-ci, Viktor Orban, premier ministre de Hongrie, un pays de moins de dix millions d’habitants, paraît parler pour toute l’Europe centrale postcommuniste. Ce n’est pas le cas. L’Europe centrale de 2019 est comme l’Europe occidentale : diverse, contradictoire, tiraillée entre courants nationalistes, populistes, et démocrates, partisans d’un monde ouvert.
Mais aussi divers soient-ils, ils se rejoignent sur un message : l’Europe, ils y tiennent. Parce qu’ils ont traversé un enfer avant de nous rejoindre, ils dramatisent moins.
(…) Lorsque Viktor Orban compare le « diktat » de Bruxelles à celui de Moscou à l’époque du Comecon et du pacte de Varsovie, il est dans la posture : il n’y croit pas une seconde. C’est le même Orban qui, début mai, déclare à La Stampa que « la voie du Brexit n’est pas pour la Hongrie », conscient que pour un pays comme le sien, dans un monde comme le nôtre, il n’y a pas de salut hors de l’UE. (…)