Ce sujet a été relancé, il y a quelques semaines, lors de la réouverture du Musée de Tervuren, qui, avant d’être fondamentalement réformé, fut le symbole le plus évident d’une mystification idéaliste. Celle qui voulait, ainsi que le déclarait un officiel en 1976 (!), que le roi Léopold II ait permis, par son entreprise coloniale, de « libérer les peuples africains des conditions matérielles et morales écrasantes dans lesquelles ils vivaient » et de « vouloir ouvrir la civilisation au cœur du continent noir […] pour amener les populations vers les bienfaits auxquels elles avaient droit ».
Abreuvée de telles sornettes, la Belgique n’a, durant des décennies, pas voulu savoir quel fut le sort de ces métis – ou « mulâtres » –, enfants nés d’un parent belge et d’un parent africain. Combien furent-ils, d’ailleurs ? Même cela, on l’ignore : une estimation évoque de 13.000 à 20.000 naissances, entre 1908 et 1960, au Congo belge et dans la province du Ruanda-Urundi, ancienne possession allemande cédée à la Belgique après la première guerre mondiale, qui donna naissance au Rwanda et au Burundi.
Souvent issus de viols perpétrés par les colons sur celles qu’ils appelaient leurs « ménagères », servantes octroyées aux exilés, ces enfants trop gênants furent, pour la plupart abandonnés par leur père, arrachés à leur mère et confiés à des orphelinats. Au moment de l’indépendance, beaucoup d’entre eux furent ramenés en Belgique, munis d’un passeport qui allait leur être retiré, puis placés dans des foyers ou confiés à l’adoption. On ignore ce qu’il advint de ceux restés en Afrique. […]
Des témoignages comme celui-là, les députés belges, qui ont finalement décidé d’enquêter sur cette page oubliée de l’histoire, ne les ont d’abord pas crus. Puis, ils ont été bouleversés par ces récits de vies brisées, portés par une Association des métis de Belgique (AMB), soucieuse de donner à ces victimes d’une politique ségrégationniste la reconnaissance qu’elles méritaient. […]