C’est une petite histoire dans la grande: pendant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs milliers de Polonais ont trouvé refuge en Afrique de l’Est après avoir été déportés dans des camps de travail soviétiques.
Jonathan Durand est un réalisateur canadien. D’origine polonaise, il a enquêté pour reconstituer le parcours de ces réfugiés oubliés des livres d’Histoire.
“Quand j’avais une vingtaine d’années, j’ai vécu en Afrique du Sud et au Mozambique, je travaillais dans le développement international. Et j’ai eu ce sentiment bizarre d’être à la maison, ce qui était curieux pour un jeune Canadien blanc. J’ai compris peu à peu que ça avait un rapport avec l’histoire de ma famille. Elle y avait vécu six ou sept ans dans un camp de réfugiés.”
Le camp de réfugiés où a grandi la grand-mère polonaise de Jonathan Durand était situé dans l’actuelle Tanzanie. Et lorsque des années plus tard, elle raconte à son petit-fils son enfance au pied du Kilimandjaro, la plus haute montagne d’Afrique, celui-ci n’en revient pas. […]
Le film retrace l’odyssée oubliée des réfugiés polonais, victimes collatérales de l’alliance entre l’Union soviétique et l’Allemagne nazie, en 1939.
Une longue file de femmes marchant, fichu sur la tête avec enfants et bagages, sur une route en noir et blanc. Au fond, on aperçoit des montagnes. Sur une autre séquence, on peut voir de jeunes enfants blancs aux côtes saillantes au bord d’un lac africain, devant des huttes de paille.
La grand-mère de Jonathan Durand, Kazia Gerech, a vécu entre 1942 et 1949 dans ce décor, dans le Tanganyika, une région alors administrée par la Grande-Bretagne. La communauté polonaise de Tenguru plantait des légumes, fabriquait des chaussures, des nattes et des objets en osier.
Mais comment est-elle arrivée là ? Julia Devlin, chercheuse sur les migrations, connaît bien les dessous du périple qui a conduit environ 19.000 Polonais par des détours en Afrique de l’Est.
Tout a commencé par un protocole secret dans le pacte de non-agression germano-soviétique d’août 1939, qui a partagé de facto la Pologne entre l’Allemagne nazie et l’Union soviétique.
Quelques jours plus tard, les deux puissances envahissent la Pologne. Et tout comme les nazis, dans l’est de la Pologne, les Soviétiques mènent des purges dans leur partie du pays. Un épisode que l’Histoire n’a pas retenu, explique Julia Delvin:
“Du point de vue allemand, on sait à peu près ce que la Wehrmacht et l’occupation nazie ont commis en Pologne. Mais ce qu’on sait beaucoup moins, c’est que l’Union soviétique a annexé elle aussi la Pologne et qu’elle y a pratiqué le nettoyage ethnique et essayé de réorganiser la société. C’est une perception très allemande de l’Histoire, qui est sans doute liée au fait qu’on voulait éviter de détourner l’attention des atrocités des nazis parce qu’on risquait sans cela d’être soupçonné de vouloir les relativiser.” […]
(merci à Lalouma)