Dans un entretien au « Monde », l’historien dresse un bilan des dix dernières années en matière de discriminations raciales et de la manière dont le corps social et le monde de la recherche s’emparent, en France, de ce sujet délicat.
En 2008, vous faisiez paraître « La Condition noire ». Quel regard portez-vous sur la décennie qui vient de s’écouler ?
Il y a dix ans, j’espérais, avec ce livre, poser les fondations d’un nouveau champ d’études en France, les black studies, qui tienne compte des particularités nationales tout en s’inspirant de ce qui se faisait aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Je souhaitais aussi contribuer à l’émergence d’une parole collective « noire », afin de faire entendre les torts vécus par les personnes noires en France, et que celles-ci soient plus visibles dans le champ politique.
Le bilan est mitigé : d’un côté, je me réjouis de constater l’essor des travaux de recherche en histoire et en sciences sociales sur les Noirs ; de l’autre, le monde associatif est balkanisé et certaines associations filent un mauvais coton identitaire. A droite, l’influence du Front national/Rassemblement national et des intellectuels ultra-conservateurs s’est accrue à tel point que leur adversaire principal semble être l’antiracisme. (…)