À l’École nationale d’administration pénitentiaire à Agen, les élèves surveillants apprennent à repérer les détenus en voie de radicalisation.
(…) « La première chose à faire, quand on aborde ces questions avec nos élèves, est de se mettre au clair avec les représentations : tous les musulmans pratiquants ne sont pas des radicaux violents. Nous apprenons à nos stagiaires à ne pas s’affoler à la vue du premier tapis de prière, à ne pas voir un terroriste derrière chaque barbe qui pousse. En revanche, il y a des signes qui doivent alerter et que nous leur apprenons à repérer. » Une grille d’évaluation leur est présentée durant un TD. Celle-ci comprend trois niveaux d’alerte. Le port de signes ostentatoires (longue barbe, qamis, siwak…), la consultation d’ouvrages salafistes, le refus de la télévision sont autant de manifestations d’un comportement « rigoriste ». La remise en cause du règlement intérieur pour un motif politico-religieux, l’encadrement de prières collectives et les violences – physiques ou verbales – dénotent un « comportement inquiétant ». Le rouge s’allume quand l’individu se rapproche de codétenus déjà identifiés comme radicalisés, reçoit des subsides d’associations de la mouvance radicale, développe une attitude charismatique empreinte de domination et manifeste de l’hostilité vis-à-vis des valeurs de la République.
(…) « Notre première préoccupation est de faire en sorte que nos personnels ne cèdent pas à la discrimination religieuse, elle-même génératrice de radicalisation ; on ne transige pas là-dessus. On distingue encore les terroristes, fichés S et prosélytes islamistes des détenus de droit commun susceptibles de basculer dans la radicalisation violente », précise ce spécialiste de la probation. « La base d’une bonne prévention, c’est le refus des amalgames et la différenciation des régimes de traitement, insiste-t-il. Affecter trop vite un détenu dans une unité d’évaluation ou de prise en charge de la radicalisation, alors qu’il n’est pas radicalisé au sens où nous l’entendons, est contre-productif. D’où l’intérêt de ces grilles de repérage. Les surveillants, les officiers et les conseillers pénitentiaires doivent croiser leurs observations avant de déclencher la procédure d’alerte. Ce repérage donne lieu ensuite à une évaluation pour adapter la prise en charge. »
Michel Flauder préfère parler de « renoncement à la violence » plutôt que de « déradicalisation ». « Une pratique extrême n’est pas en soi un problème ; la limite, c’est le prosélytisme violent, le rejet de nos valeurs et, bien sûr, le passage à l’acte », enseigne-t-il à ses élèves.