A quelques mois des élections municipales, quelles sont les perspectives de victoire pour le Rassemblement national ? S’appuyant sur un certain nombre de scrutins précédents, Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach montrent que les villes petites et moyennes apparaissent comme des cibles prioritaires, avec des perspectives de victoire dans le Nord-Pas-de-Calais et sur le pourtour méditerranéen. En particulier, la présence de populations immigrées peut, dans un premier temps, favoriser le vote pour le RN, puis son poids démographique freiner cette progression.
Comme lors d’autres scrutins, le score du Rassemblement national (RN) aux dernières élections européennes a été très variable selon la taille des communes. […] le résultat de la liste Jordan Bardella décroît linéairement en fonction du nombre d’habitants que compte la commune. En tendance, plus une ville est peuplée et moins le RN performe. Ainsi, dans la strate des communes de 100 000 habitants et plus, le score moyen du RN s’est établi à seulement 14 %. Inversement, c’est dans les plus petites communes que le parti lepéniste a enregistré ses meilleurs résultats : 27,5 % en moyenne dans les communes de moins de 3 500 habitants et 25,8 % dans celles de 3 500 à 5 000 habitants. […]
I – LES VILLES PETITES ET MOYENNES : CIBLES PRIORITAIRES POUR LE RASSEMBLEMENT NATIONAL
La très forte indexation de l’audience électorale du RN à la taille de la commune s’explique pour des raisons à la fois sociologique et géographique. La composition sociologique de la population varie en effet très sensiblement selon le nombre d’habitants que compte une commune. Dans les villes les plus peuplées, la part des diplômés du supérieur, des cadres et des professions intermédiaires est très significative, or il s’agit des catégories de la population les plus réfractaires au vote frontiste. La part des employés et surtout des ouvriers dans la population locale est, en revanche, plus importante dans les communes de taille petite ou moyenne, or c’est dans les milieux populaires que le RN bénéficie du plus de soutien. De la même façon, même si de nombreuses exceptions existent, le poids de la population issue de l’immigration dans la population communale est, en général, plus élevé dans les grandes villes que dans les communes de taille plus modeste. Or, si une présence immigrée a souvent pour effet de venir doper le vote frontiste, quand cette population représente une proportion très significative de l’électorat local, cela devient un handicap structurel pour le RN car il s’agit d’un électorat qui est extrêmement éloigné et même opposé au parti lepéniste. En d’autres termes, le RN est favorisé électoralement dans les communes qui comptent une présence immigrée réelle mais limitée mais quand le poids de la population issue de l’immigration passe un certain seuil dans le corps électoral, cette présence constitue alors un véritable obstacle. Le cas d’un territoire comme la Seine-Saint-Denis est, de ce point de vue, emblématique. Dans les années 1980 et jusqu’au milieu des années 1990, le « 9-3 » a été une des zones de forces du Front national (FN). Mais du fait de l’augmentation très importante du poids des personnes issues de l’immigration dans la population locale mais aussi et surtout dans le corps électoral local, les scores frontistes sont en recul sensible dans ce département depuis une vingtaine d’années. Bien qu’étant lui-même originaire de Seine-Saint-Denis, Jordan Bardella n’obtient que 16,3 % dans son département contre 20,7 % pour le FN lors des européennes de 2014. […]
IV – L’EFFET DOMINO
Dans le Pas-de-Calais, la conquête d’Hénin-Beaumont a fait office d’un verrou qui aurait sauté. Non seulement le FN a prouvé qu’il était capable de l’emporter en obtenant la majorité absolue (ce qui confère une légitimité forte) mais il a également montré qu’il était en capacité de gérer une municipalité d’une taille relativement importante. Suite à cette première victoire, un effet domino s’est produit lors des scrutins qui ont suivi.