Mais le risque inverse existe aussi. «En ne l’indiquant pas, les gens peuvent croire que c’est un étranger qui a fait le coup mais qu’on leur cache la vérité», soulève Fati Mansour, notre journaliste chargée de la rubrique justice. Ce qui rend la question d’autant plus délicate. Pour y répondre, Le Temps trace une première limite, détaille Gaël Hurlimann: «En principe, on ne précise que si la nationalité ou l’ethnie joue un rôle: un meurtre à caractère raciste par exemple.»
«Il faut que cela soit pertinent. On n’est pas là pour faire du politiquement correct non plus, on ne doit pas se mettre à faire de la rétention d’information, pose Michel Bührer, membre de la Chambre romande du Conseil de la presse. Mais dire qu’un voleur à la tire est LGBT, ça n’a aucun intérêt d’un point de vue journalistique. Donner sa nationalité non plus, à moins que l’intérêt public ne le justifie.» Du reste, le point 8 de la Déclaration des droits et des devoirs des journalistes précise que «le ou la journaliste doit éviter toute allusion, par le texte, l’image et le son, à l’appartenance ethnique ou nationale d’une personne, à sa religion […] qui aurait un caractère discriminatoire».
«Quand l’individu seul est visé, ce n’est pas obligatoirement discriminatoire, rappelle Michel Bührer, sauf si l’allusion à ses origines est particulièrement dépréciative ou s’étend à une communauté. […] Il faut faire attention avec les dépêches d’agences qu’on reprend parfois et qui, suivant leur propre déontologie, choisissent de mettre la nationalité.» Mais le choix de la rédaction dépend aussi de celui de la police ou des autorités judiciaires, qui divulguent ou non l’origine du suspect.
La meilleure façon de se prémunir contre toute stigmatisation reste la mise en perspective du fait divers avec le contexte social général. «Si on parle de petit trafic, illustre Fati Mansour, on a plus de chances de tomber sur des Africains, parce que, bien souvent, c’est leur seul moyen de subsistance. Et ça, il faut le dire, si on fait du journalisme intelligent.»