Le gouvernement n’entend pas la détresse des “Indiens” d’ici, relégués dans les réserves de la France périphérique. Pourtant, ces Français invisibles pensent comme le chef Raoni, qui a ses entrées à l’Élysée. Le représentant des indigènes de l’Amazonie brésilienne, attaché à des traditions ancestrales, explique (Le Monde, mardi) : “J’ai besoin de protéger mon peuple et de protéger ma terre”.
C’est cette même demande de protection qu’exprimèrent les Gilets jaunes en lançant leur fronde antimondialisation, le 17 novembre 2018. Mais eux furent insultés par la macronie, qui les jugea extrémistes. En revanche, le même parti de l’ordre ne voit rien de raciste ni de xénophobe dans les propos du leader kayapo. C’est pourtant lui qui dit aussi, parlant des chercheurs d’or : “Je pense que c’est une solution de prendre les armes. Il faut que l’on agisse nous-mêmes en retirant les Blancs de nos territoires (…). C’est comme si quelqu’un rentrait chez vous ! ” Raoni a été reçu par le premier ministre, ce week-end à Bordeaux, après avoir été l’hôte du président lors du G7 de Biarritz, fin août. Pourquoi cette farce ?
Le parti du Bien a un faible pour les peuples opprimés, pourvu qu’ils vivent loin de son odorat. Car tout devient “nauséabond” quand des Français n’entendent plus subir les humiliations de la caste au museau délicat. Celle-ci n’a d’yeux que pour les “winners” de la “start-up nation”. Les “losers” ont droit à sa condescendance, ou à ses matraques. Les offrandes officielles qui s’amassent aux pieds de Raoni seraient sincères si les autorités françaises étaient sensibles à la crise identitaire qui traverse les nations et leurs habitants. Or le parti présidentiel, qui applaudit à ses propres vues universalistes, est insensible à la pauvre vie des autochtones. Il voit ces “souchiens” comme d’encombrants plaintifs : ils font tache, pour l’orgueilleux progressisme. Ce que ne comprend pas le pouvoir, c’est que ces révoltés, enracinés dans le pays profond, n’ont pas l’intention de se laisser dissoudre dans une France vidée de sa substance. La rentrée est certes poussive pour ce qui reste de Gilets jaunes, cornaqués par l’extrême gauche. Mais le feu peut reprendre, ailleurs, à tout instant.
En vérité, si le vieil Indien d’Amazonie est tant cajolé par Emmanuel Macron et Édouard Philippe, c’est moins pour son attachement à sa terre et à ses traditions – des ringardises, pour En Marche ! – que parce qu’il est un opposant au président du Brésil, Jair Bolsonaro : une bête noire pour le chef de l’État et pour la pensée obligée. […]