Le comté de Holmes situé dans l’Ohio constitue d’une mosaïque de terres agricoles. Des maisons modestes sont perchées sur des collines en pente et le linge, battu pas le vent, est suspendu à des cordes. Il y a des chevaux et des poussettes – les uns conduits par des fermiers portant des chapeaux de paille, les autres, par des femmes aux cheveux recouverts de bonnets, tenant des bébés sur leurs genoux.
Holmes est l’un des comtés les plus sains de l’Ohio, c’est aussi le moins assuré socialement. Plus de 20% de la population ne possède pas d’assurance maladie, selon les données du recensement. Les responsables locaux précisent que ce chiffre serait en réalité plus proche des 40%. Cela est dû, en grande partie, à la population amish qui représente plus de 35.000 habitants.
Le Midwest abrite les plus grandes communautés Amish du pays et le comté de Holmes en fait partie. C’est le premier comté du pays où plus de la moitié de la population est Amish. Et les Amish ne participent pas au système d’assurance maladie américain.
“L’assurance, c’est plus pour votre bénéfice individuel“, dit Dan Yoder. “Notre plan d’assistance, c’est quand tous les membres de l’Église se réunissent et tentent d’aider tous les autres. Ce n’est pas pour son propre compte.”
Yoder est membre de la communauté amish de Holmes. Il règle toutes les factures médicales pour les membres de son église et ceux des églises avoisinantes, en utilisant un fonds auquel tout le monde contribue. Le programme ainsi “autofinancé” coûte entre 90 $ et 110 $ par mois et par membre.
“Nous bénéficions d’une forme d’exemption en nous engageant vis-à-vis de l’État et du gouvernement à prendre soin de nos semblables, de sorte que nous n’avons pas besoin d’assurance“, détaille Yoder.
La communauté amish ne participe pas non plus à Medicare ou à Medicaid. Yoder négocie même avec les fournisseurs de soins de santé comme le ferait n’importe quelle compagnie d’assurance afin d’obtenir des prix plus bas pour les soins médicaux. Souvent, il peut obtenir des rabais parce qu’ils paient toutes leurs factures rapidement.
“Nos fournisseurs de soins de santé n’auront jamais de facture datant de plus de 10 jours, explique M. Yoder, alors que lorsque la compagnie d’assurance travaille avec les fournisseurs de soins de santé, il faut compter de huit mois à un an avant que les fournisseurs n’en obtiennent le paiement“.
Malgré l’absence d’assurance traditionnelle, les Amish ont tendance à être en meilleure santé que leurs voisins non-Amish, selon les données du comté.
“Le comté de Holmes est très fier de se classer premier de l’État concernant les résultats environnementaux. C’est parce que nous utilisons beaucoup d’autres moyens de transport non-polluants – nous voyons beaucoup de bicyclettes, beaucoup de chevaux et de poussettes”, explique Michael Derr, chef du service de santé local.
Selon M. Derr, ces modes de transport peuvent contribuer à un mode de vie plus actif et à la limitation de la pollution. Mais ils rendent aussi les professionnels de santé plus difficiles d’accès pour les Amish. Plus de la moitié de la population se rend hors du comté pour se faire soigner, parce que cette zone rurale n’offre pas les services nécessaires. […]
“Avec cette forme d’auto-rémunération, il est vraiment difficile d’attirer des prestataires de santé dans la communauté“, dit Derr. Il n’y a qu’un seul hôpital dans le comté de Holmes et il accepte toutes les formes d’assurances, y compris le fonds Amish.
Il y a aussi des cliniques dédiées aux Amish à proximité, comme le New Leaf Center. Chaque année, on demande aux membres de L’Église de faire un don de 30 $ à la clinique. Elle se spécialise dans le traitement des enfants atteints de maladies génétiques – comme la fibrose kystique ou le syndrome de Down – qui sont plus fréquents au sein de la communauté amish en raison de son bassin génétique relativement restreint.
La question du coût des soins revient souvent pendant les examens, dit Ethan Scott, pédiatre au New Leaf Center.
“Il y a très peu d’entretiens dont je sors et où nous n’ayions pas eu de discussion sur le coût et la facture estimée pour la famille et l’Église“, dit-il. “Il faut donc être très transparent, et cela représente un contraste énorme avec la plupart des systèmes de soins de santé.
Scott considère cette transparence comme un élément positif du système amish. Mais les patients peuvent aussi culpabiliser à l’idée que l’argent pour leurs soins de santé provient de la poche de leur voisin, dit-il.
“Nous constatons que les familles sont vraiment mal à l’aise avec l’éventualité d’être un fardeau pour l’ensemble de la collectivité“, affirme M. Scott. “Il est assez rare que nous prenions une décision immédiate avec une famille dès la première consultation, que nous lui présentions des options de traitement qu’elle accepte immédiatement. D’habitude, ils nous disent qu’ils ont besoin d’aller parler à leurs parents et parfois aux pasteurs de leur Église.”
Dans de nombreux cas, le fonds de l’Église permet de recueillir des sommes pour des interventions coûteuses, telles que des greffes de moelle osseuse. Dans d’autres cas, cependant, le groupe estime que les éventuels avantages pour un patient n’ont pas à être supportés par l’ensemble de la communauté. Dans ces cas-là, la personne se retrouve sans soins.